Le deuxième budget du septennat de M. Macron est l'occasion des déclarations d'autosatisfaction et de critiques plutôt traditionnelles dans le cadre des annonces de chaque mois de septembre. Les ministres parlent d'accélération de la stratégie de « rétablissement des finances publiques » et de « transformation de notre modèle ». Dans quelle proportion le compte y est-il ?
Le rétablissement des finances publiques est affiché avec un niveau « de déficit corrigé » de 1,9 % du produit intérieur brut. MM. Lemaire et Darmanin soulignent que, pour la troisième année consécutive le fameux seuil de 3% du traité de Maastricht sera respecté. Le ratio encaisse les dividendes de la croissance 2017 (2,3 %), 2018 (1,7 %) et 2019 (plutôt généreusement estimée par le gouvernement à nouveau à 1,7 %). Le dénominateur monte et améliore mécaniquement le ratio.
Pour en rester à ce ratio, on a un peu de mal à adhérer pleinement à la correction du chiffre réel de 2,8 %, qui enlève la (réelle) dépense de la transformation du CICE en allègements généraux qui coûtera 0,9 % du PIB estimé.
Au-delà de la polémique sur le montage et la présentation, le constat le plus pertinent est sans doute celui du déficit dit structurel. Sa faible baisse au niveau de 2 % restera à confirmer. Pour autant, elle prend en compte, comme l'indiquent les documents de Bercy « des efforts consentis en matière de dépenses publiques ». En tout état de cause, et au-delà des débats sur le mode de calcul du déficit hors effets conjoncturels, il n'y a pas vraiment de progrès au-delà de l'épaisseur du trait sur ce plan.
L'ambition de 2022 – déficit de 0,3% du PIB alors que l'année dernière on parlait d'excédent à cette échéance - est à la fois lointaine et peu expliquée. Ce qui est tangible est que les dépenses ne seront pas plus en baisse l'année prochaine qu'elles ne l'auront été cette année. On se contentera de constater que la dépense publique progresse moins que la croissance nominale : 0,6 % contre 1,7 % selon les hypothèses budgétaires, sans doute un peu moins à la réalisation.
Malgré cette modération de hausse des dépenses par rapport aux mandats précédents (+0,8 % en moyenne dans le quinquennat Hollande et +1,4 % dans celui de Sarkozy) la baisse structurelle quasi inexistante explique le maintien de la dépense publique à 54 % du PIB (contre 54,6 % l'année dernière). 10 % au-dessus de l'Allemagne et plus de 7 % au-dessus de la moyenne de la zone euro : la France reste la plus dépensière en Europe et même parmi les pays de l'OCDE.
Le résultat est un taux de prélèvements obligatoires toujours record, mais en légère érosion, devant se situer au-dessus de 44 % du PIB.
Les ratios ciblent la problématique aussi bien que le font les données brutes. Transformer le modèle n'est pas un exercice facile : les forts transferts de 2018 réduisant globalement le pouvoir d'achat au profit des entreprises ont eu un coût politique, mais pas seulement politique. Les effets sont négatifs dans un premier temps et ont contribué à placer notre pays dans la queue de la croissance au sein de la zone euro : 1,7 % pour une moyenne un peu supérieure à 2 %.
Comme en conséquence, le budget 2018 se caractérise par les demi-mesures. Au moment où le cycle mondial s’infléchit, engager une vraie réduction structurelle des dépenses est difficile à faire passer et fragiliserait sensiblement le Budget puisque, malgré l'affectation d'une fraction de la TVA aux régions, la TVA et les taxes sur les produits énergétiques pèsent plus de 50 % des recettes de l'État prévues en 2019.
Ainsi, en 2019, et au-delà de la communication de mesures favorables au pouvoir d'achat qui sont compensées par plus de prélèvements et auront un effet nul, le choix a été fait de figer la situation.
D'un point de vie conjoncturel, on peut être soulagé d'éviter une nouvelle contre-performance de l'économie française par rapport à la zone euro : la croissance 2019 devrait se situer entre 1,5 % et 1,6 %, le niveau moyen des pays de la monnaie unique et sans doute aussi celui de l'Allemagne. Pour arriver à cela, il a fallu geler les transferts nuisant globalement à court terme au pouvoir d'achat. Ce qui veut dire, finalement, décaler les actions de « transformation de notre modèle ».
La réforme du travail a fixé les limites de l'exercice : elle a d'abord créé de la précarité comme le « Jobs Act » de M. Renzi l'avait fait en Italie. Après la perspective de ponctions (sur les actifs) liée à celle des retraites dès cette année, les possibilités de réduire les dépenses publiques en 2020 et 2021 vont être nettement plus compliquées que la réalisation de la (modeste) modération des budgets 2017 et 2018. Le changement de modèle, c'est simplement la restauration de la compétitivité des entreprises, créant les conditions d'une amélioration de la balance courante, puis de plus de croissance.
Il n'est pas certain que l'exercice et les efforts soient possibles dans l'environnement économique et politique actuel. Les exigences conjoncturelles semblent avoir primé dans les choix de Budget 2019, le ramenant à un prolongement de ceux des vingt dernières années. Le renoncement aux réformes est-il passager ou durable ? On ne sait pas encore bien sûr.