L'actualité des marchés financiers, les tendances des gestions monétaires, l'actualité politique et géopolitique aussi, entretiennent un sentiment plutôt mitigé sur l'économie. La photographie n'est pourtant pas mauvaise. Elle peut au plus être considérée comme un peu floue.
L'économie mondiale se trouve même dans une situation exceptionnelle et, en tout cas pas observée depuis dix ans et la crise financière ; la quasi-totalité des pays sont en croissance. Cette croissance des 35 économies qu'il est possible de prendre en compte (les principales) est même en phase de poursuite du mouvement. Les spécialistes de BNP Paribas relèvent ainsi que pour l'indicateur avancé des intentions des directeurs d'achat dans le secteur manufacturier – le PMI – quatre pays seulement se situent en-deçà de 50 %, le seuil qui annonce une contraction. Il s'agit de l'Afrique du Sud, du Liban, la Turquie et de Hong Kong.
Au moment où les commentaires se focalisent volontiers sur une évolution conjoncturelle asymétrique en référence à l'écart qui se réduit entre l'économie américaine et le reste du monde, cette croissance généralisée est peut-être le premier des facteurs à prendre en compte. D'un point de vue microéconomique, les communications des grandes sociétés à l'occasion des comptes semestriels reflètent la situation : les relèvements à la hausse des estimations des analystes financiers reposent sur des activités réévaluées dans toutes les zones.
La croissance généralisée confirmée présente pour autant une inflexion qu'on ne peut nier. Par rapport à la situation d'il y a un an, la quasi-totalité des PMI manufacturiers sont en léger recul. L'inflexion se reflète dans les données globales : l'année 2018 ne marquera qu'une accélération modeste de l'expansion mondiale par rapport aux 3,7 % de 2017. Et l'objectif de 2019 aura du mal à retrouver ce seuil de 3,7 %.
Le cycle porteur reste généralisé à l'ensemble de la planète, mais on peut reconnaître qu'il ne gagne pas en dynamisme. En cause, bien sûr, les deux plus grandes économies, celle des États-Unis et celle de la Chine.
Les États-Unis bénéficient cette année du dopant des réformes fiscales. Elles vont permettre de prolonger le cycle plusieurs années – au moins trois – mais, évidemment l'effet de base ne va plus jouer et la dynamique se réduira. Après l'accélération de 2018 (entre 2,8 % et 3 % pour 2,2 % en 2017), la croissance va s'approcher de 2 % l'année prochaine, sans doute un peu moins.
Le cycle est d'autant plus durable qu'il est modéré et se déroule sur un rythme nettement plus réduit que la moyenne des reprises depuis soixante-dix ans. Invesco compare ainsi la progression de 23 % du PIB américain en 9 ans de croissance avec une moyenne de 42 % pour des bornes à +38 % et +58 % pour les cycles de croissance de l'économie des États-Unis pour depuis 1950. Restent les effets du resserrement monétaire de la Réserve Fédérale. Les durcissements se font sentir avec un délai de 18 mois environ : d'ici là (l'automne 2019) la Fed a annoncé une pause et les taux implicites des fonds fédéraux sur les marchés à terme montrent une anticipation de stabilisation à 3% (contre 2,25 % aujourd'hui et 2,50 % à la fin de l'année).
La guerre commerciale qui « bénéficie » de l'actualité soutenue de la communication du président américain a pu inquiéter. À vrai dire, le volume des échanges internationaux a commencé à se contracter en amont. Avec le recul – et les accords nord-américains qui annoncent sans doute des équivalents avec l'Europe, le Japon et la Chine –, force est de constater que le rééquilibrage des balances au profit des États-Unis est assez justifié. On doit surtout prendre conscience de l'impact finalement limité qu'aurait le plafonnement des échanges : 0,3 à 0,5 % maximum d'une croissance mondiale de plus de 3,5 %.
Dans ce rééquilibrage imposé via les négociations brutales menées par M. Trump, les risques et potentiels ne sont pas équilibrés entre la Chine et les États-Unis. Les exportations chinoises vers l'Amérique pèsent 4% de son PIB alors qu'en contrepartie, le ratio se situe à 1 %. La Chine n'a pas cherché à faire jouer le change dans cette bataille intervenant pourtant à un moment ou ses mesures d'assainissement avaient fait plier les indicateurs d'activité (production industrielle, commerce de détail, investissements des entreprises). En revanche, elle a commencé – et simplement commencé – à utiliser à nouveau les dispositifs budgétaires (investissements), monétaires et de réglementation financière pour assurer une stabilisation durable de la croissance au-dessus de 6 %. Il y a de la marge, par exemple en matière de réserves obligatoires des banques aujourd'hui près de 5 % supérieures à la moyenne historique de 10 %
Le volontarisme chinois et la vision de long terme que la défense du change met en évidence est une question centrale pour la croissance de l'ensemble de la classe émergente. Un ralentissement de l'économie de la Chine bousculerait les pays émergents alors que, pour le moment, il n'y a de crise que dans un périmètre limité ; Argentine, Afrique du Sud, Turquie, Brésil,... Des États dans des situations financières marquées par un déséquilibre de balances des paiements, par une inflation non contenue, par des devises sous pression et/ou par des situations politiques tendues.
Pour résumer, tant que la Chine tient, les émergents pris globalement continueront leur contribution à l'activité mondiale.
Dans ce contexte, la grande stabilité et la lisibilité des politiques monétaires du Japon et de l'Europe continentale complète un tour du monde qui est sur des rails d'infléchissement plutôt modéré d'une croissance mondiale générale et bien accrochée. L'expansion japonaise devrait revenir vers 0,6 % l'année prochaine et celle de la zone euro se caler autour de 1,5 % le niveau auquel tournera la moyenne des économies développées.
Il y a bien sûr des facteurs de risque. La politique (élections américaines et brésiliennes, Brexit, loi de finance Italienne, …) la géopolitique (Migration en Europe, Turquie, Proche Orient, Asie, ..) peuvent bousculer le scénario économique. Le risque principal est peut-être pourtant inhérent au cycle : l'inflation salariale américaine qui pourrait surgir de la situation de plein emploi et de rapatriement de la valeur ajoutée … et mettre fin aux intentions de modération de la Fed.
Ce risque-là comme finalement les autres n'est pas dans les stratégies de portefeuille. Mais cela est un autre aspect : les marchés financiers restent en tous cas soutenus par la macroéconomie.