Les publications des derniers jours mettent en évidence une évolution que chacun doit conserver à l'esprit ; le pic de la croissance est derrière nous. Cette semaine, et en amont des analyses officielles de la Réserve Fédérale américaine et de la BCE, ce sont précisément les indicateurs avancés européens qui ont donné le ton.
Les hypothèses d'évolution se transforment petit à petit en certitude. Le plus spectaculaire pour les économistes et pour les investisseurs est sans doute l'indice IFO du climat des affaires allemand. Après la contraction de l'économie allemande au troisième trimestre (- 0,2%), ce qui n'avait pas été encaissé depuis le début 2015, les projections à six mois des chefs d'entreprises outre-Rhin ont poursuivi leur chute ce mois de novembre. L'Ifo est ressorti à 102 pour son troisième mois consécutif de baisse. Il avait affiché 105,2 il y a un an.
Les enquêtes des directeurs d'achat – les fameux PMI – confirment la pente médiocre aussi bien pour l'Allemagne que pour l'ensemble de la zone euro. Le PMI « flash » de la zone euro est au plus bas depuis quatre ans, ce qui prolonge le trait des enquêtes précédentes. Ces données permettent de conclure une tendance de croissance trimestrielle de 0,3 % à 0,5 %. Ce qui donne des projections d'une nouvelle inflexion en 2019, avec une expansion dans la zone euro inférieure à 1,5 %, sans doute même se rapprochant de 1,2 %.
Le reflux allemand donne la mesure des facteurs internationaux qui pèsent sur le Vieux continent. La demande mondiale pour les industries manufacturières faiblit et, même si les conséquences de la guerre commerciale ne sont pas (encore) vraiment tangibles, les anticipations amplifient un ralentissement qui est venu de la Chine bien en amont de l'élection de M. Trump. La mesure en est donnée par, finalement, une baisse de régime de l'économie allemande au global : elle reste en croissance mais celle-ci ralentit toujours.
Les exportations nettes réduisent très fortement leur contribution à la croissance de la zone euro : un apport de près de 1,5 % en 2017 et un rythme de 0,2-0,3 % aujourd'hui. Dans le même temps, la demande privée (consommation + investissement) évolue dans le même sens, dans une proportion un peu moins pénalisante il est vrai. Sur ce point, le reflux des cours du pétrole peut donner un peu de marge pour une légère reprise.
En dehors du coût de l'énergie - dont le reflux est la résultante de l'inflexion du cycle – il n'y a pas de raison pour que la zone euro puisse être une exception. Alors que l'effet fiscal américain va s'essouffler à partir de la mi-2019 en raison de l'acquis de l'effet de base, la convergence de l'expansion mondiale cible désormais un niveau qui approchera au mieux 3 %, ce qui correspond finalement à la performance de cette année si on exceptait le cas spécial (mais qui pèse lourd) des États-Unis.
Ce pic de croissance qui est passé, les marchés financiers l'ont assez correctement anticipé avec des baisses des indices de 6 % à 20 % depuis le début de l'année avec l'exception américaine et, dans une moindre mesure japonaise (plus des cas particuliers comme le Brésil ou la Russie). La question qui se pose aux investisseurs et aux gérants d'actifs est de guetter des points d'entrée sur les actions alors que la conjoncture obligataire ne va pas être porteuse, même si l'inflexion du cycle va inciter les banques centrales à de la prudence dans le durcissement de leurs politiques monétaires.
La difficulté de l'exercice réside dans le pic des marges bénéficiaires qui coïncide avec celui de la croissance. Dans ce contexte la hausse des profits à venir va essentiellement résider des chiffres d'affaires. La chasse à la dynamique de la « top line » va se traduire par des écarts de multiples de valorisation importants d'un secteur à l'autre et même d'une société à une autre.
Ainsi, la convergence mondiale de la (moindre) croissance pourrait se traduire par une divergence plus forte encore sur les Bourses.