L'année n’a pas été bonne pour la valorisation des actifs. Le tableau des Bourses est rouge et les places en hausse sont des exceptions et des cas particuliers : Brésil et Russie, mais aussi Inde et quelques places plus périphériques. Les marchés de taux n'ont pas fait mieux et c'est une situation un peu exceptionnelle : les spécialistes de BFT IM relèvent ainsi que 2018 est le seul des exercices depuis 1990 à afficher une performance globalement négative à la fois pour les actions et pour les investissements sur les marchés de taux d'intérêt.
Ce constat pose une question finalement assez basique : n'est-on pas allé trop loin dans la baisse de l'un, de l'autre, des deux ? Un début de réponse peut être donné par un point général de conjoncture, puisque la rupture de cette année a précisément trouvé sa source dans le passage d'un cycle de croissance mondiale synchrone à une désynchronisation sur fond d'inflexion de l'expansion.
La zone euro vient en tête des déceptions pour les tendances macroéconomiques comme ses actions le sont aussi pour les performances boursières. Le pic du quatrième trimestre 2017 (croissance de 0,7 %) a entraîné un reflux en début d'année, mais, au fur et à mesure des mois, la consommation s'est contractée, l'investissement privé a reculé, l'apport du commerce (exportations nettes) a été très fortement réduit. Au bilan, un recul du rythme de croissance revenu de 2,5 % en 2017 à 2 % cette année, sans doute un peu moins.
L'inflexion de la dynamique de tous les contributeurs à la croissance se traduit dans les indicateurs avancés; les fameux PMI mesurant les intentions des directeurs d'achat. Leur solidité aux Pays-Bas et en Espagne (et par ailleurs au Royaume-Uni) ne peut compenser la panne en Italie, une situation quasi-neutre en France et un très fort retournement en un an en Allemagne. Ce sont les trois poids lourds du continent qui freinent.
Ce qui est frappant est la disparité au sein de la zone monétaire : les gestions des égoïsmes qui trouvent leur traduction dans les régimes fiscaux et sociaux de combat se retrouvent dans les chiffres. Résultat : les projections pour 2019 indiquent globalement un nouveau ralentissement. La Banque Centrale Européenne table sur 1,7 %. Et ses spécialistes attendent au mieux une stabilisation en 2020 et une baisse à 1,5% en 2021.
Cette très nette inflexion est aussi un changement de tendance. Elle a entraîné une vraie réduction des prévisions de bénéfices des entreprises et elle va encore le faire. Le pic de croissance a aussi été un pic de rentabilité. C'est particulièrement sensible pour les industriels allemands qui, en dehors même de la guerre commerciale, souffrent du ralentissement des exportations et d'une crise de l'industrie automobile qui sera durable. Le moteur allemand grippé, c'est – un peu paradoxalement – la relance française de la consommation qui va soutenir la zone. Pour autant, dans la zone 1,5-2 % l'économie européenne ne permettra pas de nette réduction du chômage.
Malgré ce ralentissement, la croissance de la zone euro reste supérieure à son potentiel (la démographie et la productivité). La récession n'est pas en vue et le continent s'oriente vers un rythme plus faible, mais, précisément, on aura compris que, dans ces conditions, la BCE n'a pas de raison de reporter la fin de l'accroissement de son bilan pas plus que la perspective de hausse de ses taux directeurs. Le risque italien, la fragilité du système bancaire allemand ou les retombées du Brexit peuvent évidemment entraîner des dérapages l'amenant à s'adapter.
La Chine change de modèle : c'est ce que ses partenaires des grands pays lui demandaient ; c'est ce que le parti communiste cherche à mettre en place. Le passage d'une économie basée sur l'exportation – l'usine du monde – à un meilleur équilibre avec la dynamique interne a été proclamé il y a un an lors du XIXème Congrès du parti communiste. La construction « d'une société modérément prospère à tous les égards » demande des réformes qu'il faut financer par une croissance supérieure à 6 %. Pour retrouver des marges, pour éviter des bulles trop dangereuses, le parti avait lancé à la fin du dernier trimestre 2017 un assainissement de son système bancaire et para-bancaire. Le ralentissement du commerce mondial l'a contraint à aller dans le sens inverse : les vannes monétaires et du crédit ont été largement ouvertes pour permettre les leviers financiers sauvant ces fameux 6 %.
Dans le contexte de négociations difficiles avec les États-Unis, le stimulus budgétaire doit s'ajouter au maintien et même à l'accélération des actions monétaires. En effet, la demande extérieure ralentit et celle interne aussi. La baisse du marché automobile – cinq mois de recul consécutifs et -13,9 % en novembre – permet de comprendre l'ampleur du retournement conjoncturel.
Les signes d'essoufflement se multiplient et les mesures de soutien à l'activité vont s'amplifier fortement tout au long de 2019, pour permettre finalement, dans le meilleur des cas, de finir sur l'objectif de 6 %.
La baisse de la demande chinoise (importations et exportations qui se contractent en même temps) pèse et va peser assez fort sur l'ensemble des pays émergents dont la croissance globale de moins de 5 % cette année va encore ralentir pour s'orienter progressivement vers 4,5 % malgré des fondamentaux au global assez solides et des demandes internes aux perspectives assez sûres.
S’il y a une économie qui est sous influence chinoise, c'est bien celle du Japon. Pour autant, l'Archipel confirme son évolution atypique dans le scénario de baisse mondiale de la croissance. Les données 2018 – 1,2 % d'expansion – sont à relativiser en raison des conséquences du typhon Jebi et d'autres aléas climatiques. On doit sans doute surtout retenir la reprise de l'investissement à des niveaux inédits depuis plus de 10 ans. Effet de reconstruction, amélioration des capacités (pour gérer la pénurie de main d'oeuvre), infrastructures avant les Jeux Olympiques de 2020 : malgré la nouvelle hausse de la TVA prévue à l'automne, la performance de 1,2 % de cette année pourra se retrouver l'année prochaine. La politique toujours ultra accommodante de la Banque du Japon et une hausse des salaires permettent même de prévoir mieux.
Ce sont les États-Unis, sous le dopant d'un soutien fiscal intervenant à un moment atypique du cycle, qui ont tiré la croissance mondiale cette année. Presque 3 % de croissance donne au pays une inertie qui incite les économistes à tabler pour 2019 sur un score dans le milieu d'une fourchette 2-2,5%, mais un retour vers 1,5 % est pronostiqué pour 2020.
La Réserve Fédérale a confirmé cette semaine les éléments de fragilité (immobilier, investissements en équipements). Elle juge cependant les risques sur l'activité « équilibrés » tout en se montrant souple quant à la poursuite de sa reprise monétaire et de l'augmentation de ses taux directeurs.
Le marché du travail et le sentiment des agents économiques (ménages comme entreprises) au plus haut justifient sa position encore restrictive. La tendance à un vrai ralentissement est cependant réelle et, au fur et à mesure de l'année 2019 va donner le ton sur les marchés financiers.
En effet, la grande question à Wall Street va être la combinaison de la révision des taux de croissance des bénéfices et la pression sur les taux longs provoquée par les besoins de refinancement du Trésor. L'action de la Réserve Fédérale en matière de taux et d'achat de titres d'État dépendra de son appréciation de l'inflation.
Ce petit tour du monde met en évidence la rupture économique du passage au-delà du pic du cycle. Encore sensiblement supérieure à la moyenne, de long terme (3,2 %) la croissance mondiale ne fait pas craindre une récession, mais c'est le dynamisme et les révisions à la hausse successives qui sont prises à revers et vont encore déstabiliser les actifs. La grande inconnue, le principal risque dans ce contexte apparaît être l'inflation. Les études théoriques comme les constatations empiriques montrent que l'inflation est une donnée retardée du cycle. Le décalage a été accentué par la mondialisation. Si ce n'est qu'un décalage, l'inflation pourrait être au rendez-vous de l'été aux États-Unis et de l'hiver 2019 en Europe.
La problématique 2019 de la gestion d'actif se résume : moins de croissance des bénéfices des entreprises à venir (mais pas de baisse), des risques d'inflation, des risques politiques et géopolitiques. La baisse généralisée de rupture d'environnement de cette année a reconstitué du potentiel. Mais ce potentiel risque de se traduire avec pas mal de décalage.