La fin de l'exceptionnelle année financière 2018 a placé une nouvelle fois la Réserve Fédérale au centre de l'actualité et des débats. L'exception de 2018, cette chronique l'a déjà soulignée, est la performance négative de toutes les classes d'actifs, pour la première fois en près de 30 ans. La Réserve Fédérale et la confirmation de sa stratégie plus orthodoxe a dicté pour partie la tendance, mais tout ne peux pas lui être imputé.
C'est pourtant ce que le président américain a affirmé. Dans un de ses désormais célèbres messages diffusés via twitter, Donald Trump n'a pas craint d'affirmer la veille de Noël que la Fed était « le seul problème de l'économie américaine ».
En cause dans le micro-message, l'accusation d'une incompréhension de la réalité du marché, des enjeux des guerres du commerce ou de la politique de change. On a appris à se méfier des tweets présidentiels et de leurs excès : il ne faut pas les juger aussi rapidement qu'ils semblent avoir été émis. Derrière la simplification et la formule, se profile plus souvent qu'on ne le pense une stratégie qui est d'abord électoraliste bien sûr, mais pas seulement.
On peut éliminer sans aucun doute les accusations portées sur une incompréhension du marché par les grands argentiers américains. En tout cas pour ce qui concerne les marchés financiers. L'attention extrême portée par les différents présidents de la Fed à la valorisation des actifs - actions et immobilier – a peut-être même été souvent excessive au regard des missions qui sont le plein emploi, la stabilité des prix et la modération des taux d'intérêt à long terme. Il est vrai que le niveau des taux longs joue sur les placements en général.
La réalité des marchés financiers est plus que prise en compte dans les décisions de politique monétaire qui portent également le souci de la croissance économique comprise dans l'objectif en termes de marché de l'emploi. Le niveau du dollar face aux grandes monnaies d'échange n’est pas ignoré à la Réserve Fédérale, mais passe au second plan d'une stratégie autocentrée sur les États-Unis.
Les parités de change ont un impact direct sur les échanges de biens et, aussi, de services. C'est sur ce point que M. Trump a sans doute voulu mettre une forte pression sur Jerome Powell qu'il a pourtant nommé à la tête de la Fed il y a un an. Le rééquilibrage des termes du commerce est une priorité pour les États-Unis autant qu'il est devenu une marque politique de l'administration présidentielle.
Les règles de l'OMC ont favorisé les politiques économiques d'exportation vers les États-Unis en permettant l'application de taux de change de combat. Le déficit américain, financé par les émissions de dollars qui n'ont fait qu'amplifier les déséquilibres ne peut perdurer quand l'économie américaine doit constater l'effritement de sa primauté économique mondiale. La « guerre commerciale » menée vis à vis des grands profiteurs du déséquilibre se doit d'utiliser l'arme de la devise, même si on aura compris que le deal à trouver avec la Chine porte sur des enjeux plus importants et, en particulier, sur l'ouverture des marchés internes et, surtout, les transferts de technologie et de savoir-faire.
Au-delà de réalités cachées derrière les accusations à l'emporte-pièce du président, l'épisode a surtout permis de confirmer l'autorité et l'indépendance du patron de la Fed. Jerome Powell a pu réaffirmer son analyse – une activité toujours solide – mais infléchir dans le même temps son discours sans craindre de sembler obéir à M. Trump.
De fait, il a parlé aux marchés financiers. Il leur a dit ce qu'ils attendaient : que la politique monétaire ferait preuve de prudence et de pragmatisme dans une économie qui est loin d'entrer en récession, mais dont la croissance ralentit assez rapidement.
Les hausses de taux directeurs seront envisagées avec cette grande prudence et, en aucun cas, ne s'inscriront dans « une trajectoire préconçue ». On ne peut même pas exclure une baisse fin 2019 ou au premier semestre 2020 si besoin est.
La crédibilité du grand argentier renforcée, une gestion monétaire prête à soutenir l'économie : les taux obligataires ont salué et Wall Street a pu un peu rebondir.
Il ne faut pas pour autant s'abandonner à un optimisme béat. La politique de la Fed ne peut pas tout, quoi que puisse affirmer le président américain. D'une certaine façon, M. Powell a confirmé le retour de la volatilité et la prééminence de la réalité économique. Les fondamentaux vont guider ses choix, mais vont, plus encore peser ou soutenir les marchés financiers avec une certaine violence. La -bonne -statistique du marché de l'emploi cette semaine en a été une illustration. Dans les semaines qui viennent, ce sont les résultats 2018 des entreprises et les négociations commerciales avec la Chine qui vont donner le ton, dans les mois qui viennent les statistiques d'inflation ou les enquêtes de conjoncture ; dans les trimestres qui viennent le niveau effectif de la croissance américaine et mondiale.
Les niveaux de valorisation des actifs laissent un potentiel, mais la voie d'un rebond pérenne est encore loin d'être dégagée dans cette conjoncture de retour aux fondamentaux.