Le bilan 2018 appelle les perspectives 2019 et c'est singulièrement le cas pour les marchés financiers : on ne part pas de zéro, mais d'une situation acquise. Le phénomène de balancier ou de rattrapage est tentant à anticiper d'autant que les fondamentaux semblent de nature à permettre un rebond. La question des valorisations se trouve ainsi posée.
Le fait marquant de 2018 est précisément la dévaluation des multiples d'évaluation des actions. Les deux facteurs du ratio (profits en hausse et cours en baisse) ont joué dans le même sens avec une bonne performance économique des sociétés cotées et une baisse des cours de Bourse.
Les bénéfices 2018 des valeurs américaines du S&P 500 ou des japonaises affichent 19 % de progression. Celles de l'EuroStoxx et des sociétés chinoises cotées à Hong Kong 7 % ; à la mesure de l'aggloméré de l'indice Bloomberg World 5000, on a retrouvé près de 15 % d'avance. La baisse des indices qui a été amplement commentée s'est ajoutée et a entraîné une baisse de plus de 3 points du Price Earning de Wall Street et de 2,5 points de ceux observés sur les autres marchés financiers, Europe et Japon inclus.
Au final, l'ensemble des places se négocient en-deçà de la moyenne de long terme sur le critère du multiple des bénéfices. Les ratios de retrouvent à des niveaux inconnus depuis 2013, avec une pression plus forte encore sur les valeurs moyennes.
Ce retour d'un multiple nettement supérieur à 16 début 2018 pour le MSCI World à moins de 13,5 à la fin de l'année n'est pas exceptionnel : c'est la quatrième fois depuis le début du siècle que ces 13,5 fois sont enfoncés. Cependant, cet écart par rapport à la moyenne de 14,9 intervient aujourd'hui sans perspective de récession, sans krach obligataire, sans crise financière et bancaire, sans explosion de bulle spéculative. Un peu comme si la baisse était seulement auto-entretenue.
Le sentiment de sous-évaluation apparente est amplifié par le maintien de taux d'intérêts bas. Reste à savoir si le potentiel va s'exprimer.
Que nous dit cette situation de multiples de valorisation ? Elle confirme simplement que les fondamentaux ne sont pas les seuls déterminants des cours de Bourse, loin de là. Les facteurs psychologiques et les flux pèsent au moins autant.
La valeur théorique d'une action est par construction l'actualisation des dividendes à venir et du prix de revente. Cela fait beaucoup d'inconnues. Parmi celles-là l'anticipation de l'évolution des taux d'intérêt et, bien sûr, les projections des bénéfices. La croissance des bénéfices joue sur les dividendes et sur la valeur des actifs.
Ainsi, pour qu'une nette réévaluation des Price Earnings s'opère, alors qu'il n'y a pas beaucoup de potentiel pour les taux d'intérêt, il faudra que les chiffres de progression des bénéfices des sociétés soient eux-mêmes revus à la hausse. Pour pratiquement tous les indices mondiaux, les profits 2019 sont attendus avec une hausse de l'ordre de 10 %. C'est un ralentissement de leur croissance et on sait que les analystes financiers pêchent par nature par excès d'optimisme en début d'année, surtout quand il s'agit de réviser les projections à la baisse.
C'est sur ce prisme que le potentiel de rebond peut être relativisé. Il est réel du point de vue des fondamentaux, mais semblerait limité à 1 ou 1,5 point de PER sur des bases factuelles. Il faudrait que la pente des profits s'accélère pour qu'on puisse aller plus loin. Il faudrait aussi que les flux d'investissement reviennent.
Le krach rampant des derniers mois a été qualifié de krach politique. Il entretient une volatilité qui ne pourrait trouver une réduction durable qu'au prix de relations commerciales mondiales stabilisées, de convergence des politiques économiques et monétaires et, surtout, d'un retour à une croissance qui s'accélère. Si la récession ne menace pas, on est loin de pouvoir tabler sur un tournant positif rapide dans la conjoncture de fin de cycle.