Le Fonds Monétaire International a confirmé cette semaine ce que les économistes et, surtout, les marchés financiers ont pris en compte depuis plus de six mois : la croissance mondiale est revue à la baisse. Gita Gopinath, chef économiste du FMI, a abaissé de 0,2% et de 0,1 % ses projections 2019 et 2020. Pour cette année, elle table sur 3,5 % et anticipe 3,6 % l'année prochaine. Par rapport à 2018 – une croissance de 3,7 % - la conjoncture serait donc celle d'une inflexion, mais on serait très loin d'une récession ou même d'un net ralentissement. Bien sûr, les indicateurs sur lesquelles reposent les scénarios ne sont pas toujours des statistiques avancées. Cependant, la relative sérénité qui ressort de la note de conjoncture apparaît en décalage par rapport au sentiment des marchés financiers : par certains côtés, les cours de Bourse semblent donner une probabilité assez forte à une entrée générale en récession.
Au centre des incertitudes ou des peurs de décalage brutal, les deux moteurs mondiaux : les États-Unis (sous pression des effets des politiques monétaires et fiscales) et la Chine.
Avec en vue le contre-choc de la réforme fiscale américaine et les effets des hausses de taux directeurs de la Fed (9 depuis la fin 2015 et encore 4 en 2018), le dernier bastion de croissance mondiale est en effet la Chine, qui a généré à nouveau près du tiers de l'expansion économique mondiale l'année dernière.
Les données préliminaires pour 2018 sont dans la ligne fixée par le parti communiste : c'est une nécessité. Les 6,6 % affichés sont même dans le haut de l'ordre donné en haut lieu. Evidemment, sans parler des doutes toujours émis sur la fiabilité des données statistiques du pays, les références historiques relativisent la (bonne) performance. Cette croissance est la plus basse depuis 1990.
L'érosion par rapport aux 6,8 % de 2017 a été confirmée au quatrième trimestre : en rythme annuel, on est tombé à 6,4 % (après 6,5 % au troisième trimestre). C'est le niveau le plus bas depuis la crise financière de 2009 : la demande intérieure a pesé et pèse encore, comme celle de l'export dont la guerre commerciale avec les États-Unis est une illustration sinon (encore) un élément déterminant.
Pour se trouver dans les clous des objectifs du parti communiste, les grands moyens ont été employés. La politique de désendettement privé et d'assainissement des structures bancaires et para-bancaires qui était encore affichée en début d'année dernière a été abandonnée. Une direction diamétralement opposée de relance monétaire et budgétaire a même été prise et s'est développée à partir du printemps. On a compris quelle était la stratégie définie au XIXe congrès du Parti Communiste chinois en octobre 2017 : financer un assainissement et un modèle davantage basé sur la demande interne avec des excédents commerciaux maintenus ou même accrus. La baisse du commerce mondial, avec des exportations revenues à 21 % des PIB cumulés de la planète contre plus de 25 % au plus haut est intervenue en amont de la « guerre commerciale » lancée par M. Trump : les effets de concurrence ont joué avant que les règlementations et les taxations évoluent. Le retour à la fuite en avant financière chinoise sur le plan interne a ainsi été imposé par les faits à l'international et, au-delà du discours des dirigeants du pays, par la nécessité sociale du maintien d'une expansion.
Le prix a été payé, mais la tendance est là et est très loin d'être inversée. Ce sont les projections du FMI d'une stabilisation de la croissance chinoise à 6,2 % cette année et l'année prochaine qui lui permettent de tabler sur nettement plus de 3 % d'expansion mondiale les deux années qui viennent. Le pronostic de fin de cycle et d'érosion de croissance plutôt que celui de récession repose sur l'hypothèse chinoise. Discours après discours – et encore cette semaine devant les cadres du parti – Xi Jinping met en garde sur les risques de déstabilisation qu'un décrochage de la croissance sensiblement au-dessous de 6 % ferait courir à l'Empire du Milieu. Cela
annonce deux actions.
La première est l'accélération des mesures de soutien, en particulier sur le front monétaire et des investissements publics. Le crédit conserve une dynamique et il y a encore des marges de manoeuvre tant sur la réglementation bancaire que sur celle des injections de liquidités. Elles vont être activées. Le deuxième dispositif concerne la négociation commerciale. La position de force des États-Unis est renforcée et ses négociateurs en profitent. La nécessité de conclure conduira la Chine a des concessions plus importantes que ce qui était anticipé.
Une position plus faible dans la négociation commerciale et une multiplication des mesures de soutien à l'activité : le cocktail n'est pas forcément négatif. On comprend cependant que les hauts et les bas de la négociation Amérique-Chine et les données économiques chinoises vont rester toute l'année un des deux ou trois facteurs dominants des évolutions heurtées des marchés financiers.