La hausse des Bourses depuis le début de l'année a été très vive et très rapide. Mesurée à l'indice MSCI Word, la baisse de 2018 de 6,9% a été intégralement effacée. Les anticipations de récession qui s’appuyaient sur les valorisations au quatrième trimestre sont désormais abandonnées. Ainsi, il est trop tôt pour réagir et juger les révisions des bénéfices à venir des sociétés cotées (en baisse ou en progression nettement plus faible).
Evidemment, une fois encore, c'est la politique monétaire qui a changé la donne. Le tournant à 180 degrés de la gestion de la Réserve Fédérale a redonné des munitions. Résultat de l'anticipation d'une année 2019 sans hausse de taux directeurs américains et avec une modération (ou plus) dans la reprise de liquidités par la Fed, les marchés saluent à nouveau les bonnes publications des comptes annuels, montent sur de simples confirmations, considèrent une grande partie des déceptions comme finalement supportables.
Tout a été bon pour faire monter les Bourses depuis le début de l'année. Pourtant, le risque politique – auquel on impute une partie de la correction de l'année dernière – est encore présent. Trois dossiers en vue.
La remise en question des termes de l'échange du commerce entre les États-Unis et leurs grands partenaires se centre par construction sur le dossier chinois. Au-delà d'actualités plus ou moins organisées, il est difficile de constater des avancées. Le ton est même monté, le président américain et son administration mettant sur le tapis le pillage technologique chinois.
Le chaud et le froid vont continuer à être entretenus sur la propriété intellectuelle comme sur les engagements de rééquilibrage de balances d'échanges. Cependant, la Chine n'est pas vraiment en position de refuser des gages.
Trump a pu apparaître fragilisé dans la négociation Il ne faut cependant pas s'arrêter de façon excessive sur le blocage du budget fédéral qui l'a contraint à un discours sur l'État de l'Union plutôt consensuel. Il a, à son crédit, un accord commercial avec le Mexique et le Canada qualifié comme le meilleur qui n'ait jamais été acquis : comme c'est le cas pour sa réforme fiscale, son opposition Démocrate ou Républicaine ne met pas en cause ses acquis dans les négociations commerciales.
Avec la Chine, cette guerre commerciale semble se rapprocher d'un armistice durable, mais est loin d'être terminée. Ses épisodes vont continuer à mettre les marchés financiers sous pression. Par exemple, quand l'Europe va être concernée, son industrie automobile pourrait être un facteur de forte volatilité pour une industrie déjà en fort ralentissement mondial.
Le détachement du Royaume Uni du Continent ne se simplifie pas. De jour en jour, de votes en votes, de déclarations en déclarations, il est même de plus en plus flou. Derrière cette exportation du brouillard anglais, les milieux d'affaires des deux côtés de la Manche ainsi que les partis de gouvernement et les fonctionnaires de Bruxelles, placent leurs espoirs dans un renoncement britannique. On a cependant bien du mal à imaginer que la solution raisonnable du point de vue des « élites » puisse trouver un soutien populaire de nature à ce que ce peuple insulaire se déjuge.
Ce serait bien sûr le scénario idéal.
En sens inverse, on ne veut pas croire à un départ du Royaume Uni sans accord d'avenir passé avec l'Union Européenne. Le « no deal » aurait des conséquences récessives qu'il est pratiquement impossible d'estimer. Les affirmations les plus fantaisistes venant des partisans du Brexit comme de leurs opposants n'aident pas. On comprend tout de même que des taxes pénaliseraient l'économie britannique et celle des grands pays du Continent. On comprend que le commerce désorganisé par la gestion de frontières toucherait l'ensemble.
En tout état de cause, à terme, c'est une compétition intra-européenne relancée qui naîtra de ce départ. À un moment où la nécessité de convergence fiscale et sociale s'impose pour permettre à l'Europe de ne pas être écrasée face aux géants américain et chinois et pour construire un modèle de meilleure croissance, c'est l'inverse qui risque d'arriver. Sans être un paradis fiscal, le Royaume Uni vise un environnement de taxes le plus faible possible et va chercher à assoir la City sur des règlementations les plus légères possibles.
Le dossier du Brexit pourrait durablement poser plus que de question que de réponses. Mais les soubresauts sont quasi-certains.
Le Brexit n'est pas le seul nuage qui plane sur le Vieux continent. Le pacte de l'euro est directement mis en cause. L'Italie et son stock de dettes tient le devant de l'actualité depuis un moment. Mais la France et son déficit – temporaire, c'est juré ! - qui va sans doute dépasser 3,5 % du produit intérieur brut cette année contribue à enterrer le dogme de Maastricht.
La fin du fameux seuil de 3 % ne s'annonce pas simple à gérer. Le total du bilan de la Banque Centrale Européenne va atteindre 50 % du PIB de la zone de la monnaie unique. Il n'y a pas de bretelle de sortie à la monnaie unique, cela a été dit et répété, notamment par Yves de Silguy, le commissaire européen qui a mis l'euro en place. Cela se confirme, mais tant pour les États qui sont « piégés » dans le dispositif, que pour la BCE ou pour l'Allemagne. De fait, on ne peut exclure un pays.
La banque centrale est en voie de posséder une part écrasante des dettes souveraines européennes et, comme on sait, à partir d'un certain niveau le débiteur tient le créancier autant que l'inverse est vrai. En sus des emprunts à son bilan, la BCE, avec l'Allemagne (avec en sus les Pays Bas, la Finlande et le Luxembourg) détient des engagements via Target 2, la plateforme pour les paiements transfrontaliers en euro entre pays européens. Ce sont des engagements qui dépassent 1.500milliards d'euros et dont le risque serait porté par la BCE si des États débiteurs quittant l'euro devaient manquer à apurer leur solde.
Cet « équilibre obligatoire », ce statu quo imposé va devoir trouver une respiration et un nouvel euro est sans doute une évolution logique. Une évolution remettrait peut-être des certitudes de la part des investisseurs.
Le rattrapage des cours de Bourse de janvier a effacé les scénarios du pire d'une récession. Au-delà des évaluations qui restent à stabiliser sur la base de fondamentaux globalement en modération, les risques politiques qui ont contribué à l'année noire de 2018 sont toujours là. D'autres peuvent se manifester et les cours records de l'or sont peut-être un signe de prudence. Justifiée ?