M. Trump a -encore une fois – pris les marchés à témoin. Et ils ont suivi. Lundi, c'est par un de ces célèbres tweets que le Président américain a affirmé que le prix du pétrole était trop élevé pour « une économie mondiale fragile ». Le baril a répercuté et perd plus de 2,6 % sur une semaine. La volonté de la Maison Blanche de stabiliser le baril WTI entre 50 et 55 dollars (ce qui fait 60 à 65 dollars pour la qualité brent) répond à des préoccupations concernant la croissance.
Le reflux des cours du brut avait été spectaculaire depuis l'automne dernier. Mettant fin début octobre à un rallye de hausse débuté en janvier 2016 (cours multiplié par trois en 34 mois), la chute a dépassé 40 % à la fin 2018. C'est un rebond de 33 % en deux mois qui a justifié la réaction présidentielle.
Avec le recul, on comprend bien que la hausse de 2016 - 2018 sanctionnait une accélération du cycle de croissance ou, en tout cas, une synchronisation de cette expansion. Il faut aussi inscrire le mouvement dans une action concertée de limitation de l'offre des producteurs de l'Opep et la Russie, mais aussi dans un intérêt bien compris des États-Unis dont les producteurs de pétrole de schiste ont retrouvé une rentabilité.
Le retournement de l'automne dernier se place dans la même analyse conjoncturelle. C'est le tournant de la croissance mondiale qui a inversé la tendance : pas beaucoup plus de 3 % attendus cette année, un peu moins en 2020 et 2021.
Les programmes d'économie d'énergie ont amplifié l'atténuation de la demande : en 2018, les importations japonaises de brut ont été les plus basses depuis la fin des années 1970. La croissance nippone limitée à 0,7 % sur l'année n'explique pas tout. La Chine même, dont les importations de brut ont progressé de 10 % en 2018, modère le déséquilibre avec une hausse de 12 % de ses exportations d'or noir.
L'évolution de l'offre est le deuxième facteur du recul lancé début octobre 2018. La baisse de production iranienne et le « quasi embargo » sur celle du Venezuela ont été compensées par l'accélération américaine. Le record de mise sur le marché de brut américain a été dépassé en janvier.La réduction de la mise sur le marché de la part de l'Opep s'est poursuivie le mois dernier sur un rythme de 3 %. Mais, précisément, les États-Unis (avec 345.000 barils/jour) compensent 40 % de cette baisse. Pour fixer les forces en présence, on peut noter que la production américaine de 11,9 millions de barils/jour représente 38 % de celle de la somme des pays de l'Opep.
Le marché du pétrole a la caractéristique de bénéficier de visibilité à court terme qui n'exclue pas les grandes variations sur des périodes plus longues. Après la baisse de l'offre Opep-Russie au premier trimestre, une reprise est anticipée au deuxième. La véritable réduction de production est de fait remise à la deuxième partie de l'année, sur un rythme qui est bien loin de pouvoir être approché aujourd'hui.
Sur ces bases – encore imprécises – d'offre et celles de demande qui le sont plus encore, le scénario dominant correspond à l'objectif Trump : un baril WTI stabilisé autour de 55 dollars et un niveau de 10 dollars de plus pour le brent. Ce qui est un peu inférieur aux cours actuels.
L'expérience a montré la fragilité des pronostics dans le domaine pétrolier. Cependant, dans les cours du moment, pas loin des deux tiers des puits de pétrole de schiste américain sont rentables et la croissance n'est pas cassée par le coût de l'énergie : tout le monde semble y trouver son intérêt.
Ce qui est le plus en question, c'est l'impact de l'évolution sur la croissance. Davantage sans doute que la pression sur les marges des entreprises grosses consommatrices d'énergie, c'est la consommation qui est ciblée. C'est le cas aux États-Unis et, d'une façon assez brutale, cela a été rappelé chez nous. La consommation est l'élément clé de la poursuite du cycle américain et de sa
stabilisation sans trop de casse en Europe, au Japon et même en Chine. Au total, une moyenne de 60 dollars pour le baril de brent apporterait un surplus de croissance de 0,2% à la zone euro. Un stimulus qui est loin d'être négligeable puisque les projections des économistes tournent entre 1 % et 1,5 % pour le Vieux Continent