Le formidable rebond des marchés financiers depuis le début de l'année est évidement lié au revirement intégral des politiques monétaires des grandes banques centrales, Réserve Fédérale et Banque Populaire de Chine d'abord, mais aussi en Europe (BCE et même Banque d'Angleterre) alors que la Banque du Japon reste sur sa stratégie ultra accommodante. Sans nier les effets mécaniques de valorisation des actifs par des taux d'intérêt abaissés durablement, la hausse des Bourses doit aussi anticiper des progressions des profits des entreprises se fondant sur une amélioration du cycle économique.
La chute des actions au quatrième trimestre de l'année dernière – qui a été effacée et au-delà aujourd'hui- prenait en compte un ralentissement constaté de la croissance mondiale et la contraction du commerce.
Un certain manque de visibilité pouvait justifier une réaction apparemment excessive concernant l'économie américaine. La croissance a tenu bon avec un score de 2,4 % de rythme annuel au quatrième trimestre, l'investissement et la consommation desménages progressant de concert. Les indicateurs avancés des intentions des directeurs d'achat étaient stabilisés. Au final, la durée exceptionnelle du cycle américain (10 ans), et désormais le record historique, a amplifié les scénarios de ralentissement qui s'appuyaient sur les effets du contre-choc fiscal à partir de 2019 de la fin de nouvelles mesures Trump de soutien massif à l'activité.
En revanche, sur fond de contraction du commerce mondial, les inquiétudes étaient assez largement fondées pour ce qui concerne l'Europe et le Japon d'une part, la Chine et les pays émergents de l'autre.
Ainsi, la zone euro a encaissé des données économiques dégradées tout au long de l'année 2018, les trois derniers trimestres affichant une croissance inférieure au potentiel et le dernier un plus bas de 5 ans (1,1 %). Si les investisseurs ont eu des raisons pour prolonger la courbe négative, la composante des stocks avait pourtant pu exagérer la tendance, bien médiocre cependant.
Ainsi aussi, le parti communiste chinois avait réduit ses objectifs de croissance dans le bas de la fourchette 6 % - 6,5% tout en renonçant aux mesures de réduction de dettes qui avaient fortement infléchi la croissance au deuxième et troisième trimestre. Le pari de la stabilisation de la croissance reposait sur des mesures monétaires et budgétaires se succédant et jouant fortement en cumulé. Et cette stabilisation en quelque sorte imposée par la nécessité de l'emploi chinois était de nature à relancer l'ensemble de la classe émergente dont la demande intérieure a bien tenu tout au long de 2018.
Les marchés financiers, dans leur pessimisme, ont, en tout état de cause, finalement imposé aux banques centrales une gestion monétaire de fort soutien. Le relais budgétaire étant de plus activé en Chine, prolongé (même atténué) aux États-Unis, mais pas encore en zone euro si on excepte les fameux 10 milliards débloqués le 11 décembre par le président français.
Cette soumission des banques centrales dites indépendantes aux investisseurs a permis en tout cas à ces derniers de prendre les paris d'un regain conjoncturel réel en 2019, évacuant en tout cas les scénarios de spirale de récession ou du moins de très faible croissance.
La hausse des actions depuis janvier s'est traduite par une nette réévaluation des multiples de valorisation. Elle a, en effet, été réalisée alors que les analystes financiers révisaient en nette baisse les estimations de bénéfices. Moins de 4 % de progression cette année pour les compagnies américaines, moins de 6% en Europe et au Japon, pas loin de 8 % pour les émergents : ces projections sont valorisés par des ratios dans leurs moyennes longues alors que les taux de progression des profits sont justement sensiblement inférieurs aux moyennes.
On mesure cette réévaluation des multiples d'évaluation à celle du ratio de bénéfices estimés pour les 12 mois à venir en Europe (price earning) passé en trois mois de 12 fois à 14 fois. Ce qui est attendu, c'est un rebond de croissance généralisé sur la période mars -juin, mais aussi son prolongement au-delà du printemps.
Ce n'est pas vraiment l'économie américaine qui inquiète. Les projections officielles du FMI ou de la Réserve Fédérale pour le PIB se situent pour cette année entre 2,1 % et 2,3 %. Un niveau certes inférieur aux 2,9 % de 2018, mais qui reste élevé. Les estimations d'une convergence un peu au-dessous de 2 % en 2020 n'auraient pas de forte influence sur le cycle mondial, d'autant que le soutien dans l'année électorale risque de s'amplifier et de pousser au-delà.
L'Europe et le Japon vont avoir du mal à repartir et se rapprocher de leur potentiel sans vrai reprise du commerce international.
La confirmation du rebond de conjoncture doit ainsi venir de Chine et, en conséquence des pays émergents. Le premier trimestre ne dément pas la décélération chinoise avec une progression de 1,4 % d'un trimestre à l'autre (1,5 % pour le quatrième 2018 par rapport au troisième). En sens inverse, la performance sur un an de 6,4 % donne un ton plutôt optimiste. Ce qui ressort de la publication de cette semaine, c'est que les mesures de soutien continuent de contenir l'inflexion de la croissance (et du commerce) mondiale. Cette inflexion est finalement assez limitée et, surtout, l'évolution en Chine permet de confirmer les anticipations de vraie reprise de la croissance mondiale d'ici à juin. Ce qui pose en miroir la vraie question des incertitudes pour le deuxième semestre.
Si les nouvelles mesures monétaires et budgétaires à travers le monde sont forcément moins efficaces au fur et à mesure de leurs ajouts, les éléments permettant un certain optimisme apparaissent plus nombreux. La « paix commerciale » et ses effets sur les deux grandes économies mondiales en sera le premier. Les indicateurs avancés montrent par ailleurs un peu partout dans le monde – et singulièrement en zone euro, malgré la révision à 0,5 % de l'objectif de croissance allemand – que le trou d'air a été passé depuis le début avril.
Une croissance mondiale cette année supérieure aux 3,3% du consensus et dépassant 3,5% en 2020 ne sont plus des hypothèses irréalistes. Au-delà des indicateurs avancés, les cours des matières premières donnent une idée de la tendance : + 8 % depuis janvier pour le cuivre, +41 % pour le baril WTI.
La tendance porteuse plutôt affirmée reste évidemment fonction du renforcement des soutiens monétaires et budgétaires. Mais cela relève d'un autre épisode à venir.