La conférence de presse du président de la République la semaine dernière marque une évolution. Au-delà des formules du type « le cap est maintenu », le demi-tour par rapport à la stratégie de la première année du quinquennat ne peut être caché. La philosophie de la politique de l’offre est (provisoirement ?) abandonnée. Les ambitions de réaliser en cinq ans les réformes laissées pour compte par « trente ans d’immobilisme » sont repoussées comme les gouvernements précédents étaient accusés de l’avoir fait.
Derrière le revirement, M. Macron a deux objectifs qui étaient finalement des contraintes : l’unité du pays et la croissance.
L’unité et le calme, c’est la base de son job.
Les mesures annoncées la semaine dernière et leur paquet de communication ont été pesés pour relever le défi. Il y en a un peu pour toutes les contestations, quitte à ce qu’une vision globale soit sacrifiée à la logique du catalogue. Ce n’est qu’avec le temps que la (re)construction de cette nécessaire unité pourra être jugée.
La logique tant reprochée au président de la République de « gestion de fichier Excel », c’est à dire de technocratie, devra passer la rupture psychologique en prouvant qu’elle produit des résultats au quotidien.
Les moyens sont là, on ne peut le nier. Gérald Darmanin, le ministre des comptes publics a chiffré à pas loin de 17 milliards d’euros les mesures annoncées : 10 milliards en décembre et plus de 6,5 milliards lors de la conférence de presse du 25 avril.
Derrière le chiffre brut, il y a évidemment une palette plutôt disparate entre des baisses de prélèvements CSG, des réductions d’impôts, des défiscalisations diverses, le retour à une indexation partielle de retraites… Mais les injections seront bien là.
17 milliards d’euros, c’est un coup de pouce qui représente plus de 0,7 % du produit intérieur brut. La consommation des ménages pèse 55 % du PIB : le choix politique n’est pas seulement une réponse à une demande sociale. Il joue une prolongation du modèle économique français, porté par la consommation et renonce à la course à la compétitivité face à la concurrence étrangère des pays mercantilistes dont l’Allemagne est un peu le modèle.
La croissance française a marqué le pas en 2018, revenant des 2,3 % de 2017 à 1,5 %. Ces deux chiffres étaient légèrement inférieurs à la moyenne de la zone euro, mais suivaient la même tendance. Au solde, la performance 2018 est équivalente à celle de l’Allemagne, mais les dynamiques sont bien différentes.
Au quatrième trimestre 2018, notre voisin a échappé de peu à une récession technique : après une baisse du PIB au troisième trimestre, il a affiché une croissance zéro. Le modèle mercantiliste basé sur une concurrence intra européenne par les coûts s’est retrouvé à l’épreuve de la baisse du commerce international. Les nouvelles règles mondiales qui ressortiront d’un accord Chine – Etats-Unis et, en tout état de cause, la remise en question des règles du jeu pour l’industrie automobile ne plaident pas pour une amélioration cette année. La prévision officielle de 0,5 % pour l’ensemble de l’exercice est peut-être excessivement pessimiste, mais la tendance est là.
Le premier trimestre a affiché une croissance de 0,4 % en zone euro et un effet rebond a permis à l’Allemagne de sortir facialement de la stagnation (+0,3%).
La France n’a pas fait mieux de janvier à mars. La consommation des ménages progresse (0,4 %) mais ne soutient pas pour le moment la conjoncture face à une évolution de l’investissement productif qui reste modeste (+0,5 %), pratiquement au même niveau qu’au quatrième trimestre 2018.
Les mesures Macron n’ont pas donné pour le moment les effets de dépenses des ménages qu’on peut en attendre. Il est naturel de constater un effet retard. Pour le moment, derrière la progression de la consommation au premier trimestre de seulement 0,6 % sur un an glissant, on retrouve une nouvelle augmentation du taux d’épargne.
Les enquêtes portant sur le moral des agents économiques valident les scénarios de croissance française comprise pour cette année entre 1,3 % et 1,5 %. La résilience du modèle français basé sur les budgets publics a joué en 2018 et, cette année, la consommation (qui entraînerait l’investissement) doit amplifier l’écart avec la moyenne de la zone euro qui ne devrait pas faire mieux que 1,1 % à 1,2 %.
La France est ainsi censée prendre le relais de l’Allemagne pour être le moteur de la zone euro. Il faut donc que la consommation soit au rendez-vous. Une stabilisation ou la baisse du taux d’épargne est une condition nécessaire pour que les milliards de Macron produisent leurs effets. Une condition qui ramène à la question de l’unité du pays, de la stabilisation politique et sociale du retour de la confiance. Dans ce cadre, une visibilité fiscale restaurée apparaît indispensable, tant le revirement économique du gouvernement Philippe peut faire douter les agents économiques de la pérennité d’une nouvelle donne.
Que la France soutienne la croissance de la zone euro en 2019 et en 2020 est sans doute positif. Mais le trait ne pourra pas être prolongé sans que le modèle Français puisse être exporté en partie dans une convergence européenne. Les efforts de compétitivité annoncés en début de mandat par M. Macron devront évidemment être repris. Mais pour cela, le besoin de croissance en Europe et, singulièrement en Allemagne, est patent. Sans bien sûr reproduire ce fameux modèle Français, sans renoncer à un « Lumpenprolétariat » entretenu par la politique d’immigration, nos voisins allemands devront utiliser les munitions gagnées par leurs excédents budgétaires et leurs surplus commerciaux.
C’est assurément nécessaire pour la croissance de l’ensemble de la zone euro. Mais la collaboration politique qui est le moteur indispensable n’est – pour le moment – guère perceptible.
On en revient aux déclarations du président de la République. Derrière la politique intérieure, il va trouver les exigences internationales, aujourd’hui en panne.