Les indicateurs mondiaux et en particulier les indicateurs avancés confirment la phase de fin de cycle qui n'est pas la fin du cycle. Plein emploi, hiérarchie des taux inversée ou inexistante, cycle industriel, plaident pour ce ralentissement de la croissance mondiale, pour autant toujours accrochée sensiblement au-dessus de 3 % malgré l'absence d'inflation. Les enquêtes PMI globaux auprès des directeurs d'achat des secteurs manufacturiers sont revenues un peu au-dessous de 50, ce qui anticiperait une contraction au niveau de la planète.
La guerre commerciale et, en amont, la simple stabilisation du commerce mondial ont un impact direct d'accélération d'une tendance qui reste divergente : les services ne font que commencer à être affectés par la quasi-récession industrielle. Dans un contexte général de révision des anticipations de la part des économistes, il y a une zone qui résiste particulièrement : la France, qui trace «un mini cycle distinct» pour reprendre la formule des spécialistes de Swiss Life.
Avant de s'attacher à la tendance divergente de notre pays, on doit constater que le ralentissement de croissance est avant tout très disparate d'une façon générale.
Les secteurs qui entraînent la tendance négative sont avant tout l'automobile et les semi-conducteurs, à la fois pris par un effet de boule de neige de l'inflexion de leur
croissance (avec des stocks élevés) et face à des défis de mutations technologiques. Les services, la consommation ou les transports tiennent. En Europe, la construction aussi.
La divergence se mesure également dans les zones géographiques. Les secteurs les plus touchés sont ceux des champions de l'export des dernières décennies : Allemagne, Japon, Chine y compris la République de Chine de Taïwan, …
On retrouve même cette divergence à l'intérieur de pays. C'est vrai pour les länder allemands les moins exposés à l'export qui se tiennent bien. C'est même vrai pour l'Italie ; si ce n'est pas nouveau entre le Nord et le Sud, la construction est portée par les taux d'intérêt bas dont profitent les consommateurs (et insuffisamment les entreprises) grâce à la politique TLTRO de la Banque Centrale Européenne qui met à l'abri des soubresauts des rendements de la dette publique. Le cas français semble aller plus loin.
En affichant en juin un score de 52 pour les industries manufacturières et de 53,1 pour les services, les Indices PMI des directeurs d'achat français progressent respectivement de 1,4 et 1,6 points en un mois. Ils retrouvent leurs niveaux de l'automne 2018 et, surtout, contrastent avec la zone euro pour la composante manufacturière : elle se situe à 47,8, en deçà des fameux 50 qui séparent la zone de croissance de celle de récession. Le score allemand se situe à 45. Les indicateurs composites mettent en évidence le maintien de la croissance grâce aux services, mais la France est toujours en tête : 52,9, pour une moyenne de 52,1 en zone euro et pour 52,6 en Allemagne.
Notre économie a les qualités de ses défauts. Elle est protégée par un profil plus interne. Elle est – de ce fait en partie – plus réactive aux aléas politiques. Après la crise des Gilets Jaunes, le succès du parti gouvernemental au scrutin européen a redonné de la visibilité et du moral.
La conjoncture est plus soumise qu'ailleurs aux décisions politiques ou à leur anticipation. La relance par la demande du gouvernement Philippe, illustrée par les 17 milliards d'euros débloqués par M. Macron, dope la consommation par effet mécanique, mais aussi, par son impact sur le moral des consommateurs. S'ajoutent une fiscalité qui s'est allégée, l'amélioration réelle du marché de l'emploi et les perspectives de réformes qui seraient mieux acceptées. Les premiers effets de la réforme du code du travail crédibilisent les projets en cours sur le plan économique et social.
Ce qui apparaît en creux dans cette meilleure tendance française, c'est bien sûr un peu un rattrapage. Mais sans doute plus encore le profil de son économie. Les excès de dette ne pèsent pas face au niveau des taux d'intérêt très très bas très très durablement. Mais c'est surtout le changement de ton – donc de perspective – des partenaires qui montre le potentiel.
Cette semaine, le président de De Nederlandsche Bank, la banque centrale néerlandaise, a amorcé un changement de ton qui peut, à terme, être un vrai changement de donne. Klaas Knot appartient au clan des partisans de l'orthodoxie et même de l'ultra-othodoxie au sein du Comité des gouverneurs de la BCE. Il n'a pas hésité à avouer que « les surplus (des pays comme le sien) étaient bien les déficits des autres pays de la zone euro ». Il trace une évolution qui appelle les « pays à surplus » à accorder plus d'attention à leur position. Dans le même temps, le ministère des Finances allemand a profité d'une publication sur l'évolution de la dette publique pour indiquer des calculs basés sur une baisse de fiscalité.
Un mix budgétaire plus favorable en Allemagne ou aux Pays-Bas se profile et la France qui est bien en avance sur le plan du soutien budgétaire pourrait y trouver le financement d'une partie de ses réformes.
Le mini cycle français trouverait ainsi chez ses partenaires de l'ancienne zone deutschemark un relais pour se prolonger. On doit surtout constater que la politique de la Banque Centrale est - aujourd'hui contrairement à hier - très bien adaptée à notre modèle et à la situation conjoncturelle actuelle.
La remise sine die d'une normalisation, la pression sans cesse renouvelée pour maintenir des taux d'intérêt très bas et le soutien de la dynamique de crédit portent cette conjoncture particulièrement favorable dans la deuxième économie de la zone. Une croissance un peu supérieure à celle de l'Allemagne et à celle de la moyenne de la zone euro se confirme pour la France. Si l'inflation reste absente, ces 1,3 % -1,5 % dans les deux ans qui viennent sont le socle d'une amélioration confirmée.