Le premier semestre s'est soldé sur une forte hausse générale des Bourses. L'indice Standard & Poor's 500 a affiché 16,7 %, le Nasdaq 20 % et le CAC 40 +17%. C'est un écart d'un an par rapport à une série qui avait favorisé la finale 8 pour prendre une formule des joueurs de roulette. 1988, 1998 et 2008 ont été des périodes d'emballement faisant suite, deux fois sur trois, à une période de stress maximum. Cette année, la finale 9 s'inscrit dans ce schéma. Rien n'est jamais pareil bien sûr, mais le retour de l'indice CAC 40 (brut et sans prise en compte du réinvestissement des dividendes) au niveau de ses plus hauts de 2008 nous replace dans une conjoncture qui paraissait alors idéale alors que la crise du crédit hypothécaire américain (dite des subprimes) avait en réalité déjà commencé à éclater.
La chute de l'automne dernier a été brutale et a bien reflété un stress aigu aux causes assez bien déterminées aussi bien sur le moment qu'a posteriori. Les premiers effets d'une normalisation monétaire (pourtant timide) menée aux États-Unis et en Chine, annoncée aussi en Europe, apparaissaient alors que le cycle de croissance s'infléchissait un peu partout. La conjoncture pouvait tourner avec des politiques monétaires peu conciliantes voire récessives. Les marchés de taux et, plus encore le marché des actions, avaient pris en compte une probabilité relevée d'une récession à venir.
Le rebond spectaculaire du premier semestre est celui d'une victoire des marchés sur les responsables des politiques monétaires. La Réserve Fédérale américaine a opéré un véritable demi-tour, passant de la reprise de liquidités et d'une perspective de hausses des taux directeurs à exactement l'inverse. La Banque Centrale Européenne et la Banque Populaire de Chine ont opéré le même mouvement. La Banque du Japon a poursuivi sur sa voie.
Le sentiment du fameux « quoi qu'il en coûte » de Mario Draghi, le patron de la BCE, appliqué au soutien des économies développées, s'est diffusé sur les marchés financiers.
Dans ce cadre, les tendances ont repris leurs réactions paradoxales. Les mauvaises nouvelles économiques et la dégradation des indicateurs avancés sont des bonnes nouvelles pour les marchés puisqu'elles ne peuvent qu'inciter les banques centrales à accélérer.
Le contre-effet richesse et ses effets néfastes sur l'investissement a été stoppé. Il aurait pu amplifier un recul des investissements déjà engagé. Les perspectives de récession prolongeant la réelle inflexion de la croissance ont nettement reculé : la réalité des indicateurs montrent que le cycle de croissance américaine, désormais le plus long de l'histoire (121 mois), n'est pas arrivé à son terme. Cela vaut à l'échelle mondiale.
Cela posé, les marchés financiers sont divergents. D'un côté des valorisations des actions qui ont progressé, de l'autre des hiérarchies de taux d'intérêt pratiquement inexistantes. La hausse des Bourses s'est opérée depuis janvier alors que les publications des sociétés cotées ont entraîné des révisions à la baisse des estimations de bénéfices par les analystes financiers. C'est une réévaluation des multiples qui a fait le mouvement.
Les marchés de l'argent anticipent sur les baisses des taux directeurs de la Réserve Fédérale et sur le maintien au pire par les autres grandes banques centrales. Ils vont cependant nettement plus loin avec des rendements dégagés pour les échéances à 7 ans, à 10 ans voir plus longues pratiquement au même niveau que celui à 2 ans.
Cette « courbe plate » n'annonce pas forcément une récession même si, à l'inverse toutes les récessions sont précédées par cette situation ou une courbe inversée. Mais elle indique deux certitudes des investisseurs : il n'y a pas de risque d'inflation et le cycle économique va rester au mieux faible et au pire tourner à la contraction.
La leçon financière du premier semestre 2019 est cependant ailleurs : les investisseurs sont restés imperméables à une actualité politique pouvant heurtée.
Le développement du contentieux commercial Chine – États-Unis et sa transition vers « une nouvelle guerre froide mondiale» n'a finalement que freiné par moment le mouvement en avant des actions. On est bien dans le concept de la mauvaise nouvelle qui est bonne pour les perspectives monétaires : la décélération confirmée du commerce mondial en est une.
Les bruits de bottes au Proche Orient n'ont pas plus inquiété et ils n'ont même pas eu de vrai impact sur les cours du baril.
L'Europe, son Brexit, ses déséquilibres budgétaires en Italie, sa crise automobile qui frappe l'industrie allemande et son manque de direction politique franche après les élections à son Parlement, ne semblent pas devoir inquiéter davantage.
Ces risques, d'autres, montent. Et personne ne semble en avoir cure, tant que l'argent abondant et gratuit sera disponible. Tant que l'inflation sera inexistante aussi.
La finance est plus forte que la politique. On s'y fait. Cela peut-il durer ? Évidemment le retour des actions dans les plus hauts de 2008 inquiète forcément. Cela avait mal fini et le sentiment de bulle de marchés qui progressent, quand les prévisions d'activité et de bénéfices se réduisent, interrogent. Mais les bulles financières éclatent quand on ne voit d'où le coup pourrait partir. Le principal est que les taux restent très très bas très très longtemps.
Pour autant, les Banques Centrales ont surtout évité le risque de décrochage ce premier semestre. La casse a été écartée, mais pour maintenir le cap, pour en trouver un nouveau dans un monde économique en rupture, il faudra une adhésion politique.
La conséquence néfaste des politiques monétaires est qu'elles renforcent l'inflation des actifs alors que les salaires progressent nettement moins vite, même dans les pays de plein emploi. La question de la redistribution pour maîtriser, voire diminuer les écarts, celle de ce qu'on appelait autrefois la rémunération du travail et celle du capital, nous paraît plutôt accessoire vue de la France. Mais dans les autres pays développés, les politiques fiscales doivent appuyer ou prendre le relais. Ce retour de la politique par les Budgets a commencé aux États-Unis avec les réformes Trump.
Les communistes français chantaient dans les années 1950 « Maurice (Thorez) marche le premier, la route mène au socialisme ». Aujourd'hui la Fed marche la première pour mener à la croissance des banques centrales qui s'alignent. Demain est-ce Trump qui marchera le premier avec sa relance budgétaire qui gagnerait les pays les plus orthodoxes?