Deux rendez-vous – plutôt traditionnels – sont à l'agenda de cette fin août : le symposium de Jackson Hole et le G7 réuni cette année à Biarritz se tiennent l'un à la suite de l'autre du 22 au 24 pour le premier, du 24 au 26 pour le second. Les périmètres ne sont évidemment pas les mêmes : d'un côté les dirigeants des pays occidentaux libéraux, naguère les plus riches du monde (la Chine, l'Inde et le Brésil se sont intercalés dans le classement), de l'autre, un parterre assez large réuni dans la station de montagne du Wyoming par la Réserve Fédérale de Kansas.
Au G7, des responsables dotés des pouvoirs et examinant toutes les questions politiques et géopolitiques dans les domaines les plus larges.
Au symposium de la Fed de Kansas, des économistes, des chercheurs universitaires, des journalistes, des financiers, des membres de l'administration américaine et d'autres pays, des organes supranationaux, examinent les tendances de l'économie et les politiques monétaires appliquées ou à envisager. Depuis 40 ans, Jackson Hole joue ce rôle de plateforme de réflexion et est aussi le théâtre d'annonces. Ainsi, il y a 9 ans, c'est le cadre qu'avait choisi le président de la Réserve Fédérale Ben Bernanke pour annoncer le « QE2, » rachat massif de créances destiné à stabiliser la plante financière en pleine crise bancaire.
La question centrale au G7 – qui n'a ni réalité institutionnelle ni véritables pouvoirs – est l'organisation multilatérale des relations internationales. L'Administration américaine s'en écarte finalement chaque jour davantage et c'est ainsi qu'on ne prévoit pas de communiqué commun lundi prochain à l'issue des débats. Il serait sans doute vain de constater des divergences multiples entre les États-Unis et l'Europe continentale, le Japon, le Royaume-Uni et le Canada jouant peu des positions centrales.
Se voulant en quelque sorte porteurs de l'intérêt général, les Européens vont sans doute rechercher les termes d'un dialogue transatlantique pour les questions les plus larges concernant le monde entier : géostratégiques bien sûr, commerce et finance bien sûr, mais aussi, stratégies environnementales et de développement, gestion des flux migratoires, sujets que l'on dit désormais « sociétaux » aussi.
Le retour à une stabilité – au moins de façade – entre les grands gouvernants relève plus de l'utopie que d'autre chose : les règles économiques mondiales se discutent entre Américains et Chinois, les centres de tensions mondiaux sont de fait sous la pression des États-Unis et de leur armée.
Les occidentaux forts de leurs principes démocratiques ne semblent pas avoir la cohésion pour se poser toujours comme des arbitres de la discipline mondiale.
Jackson Hole ne joue pas sur le pouvoir affirmé. Même si les grands argentiers mondiaux sont présents ou représentés, il joue sur le registre de la réflexion, de la mise en avant des problèmes qui pèsent sur les économies et des voies monétaires à explorer pour y échapper. Les spécialistes disposent d'une grande liberté puisqu'il s'agit de réflexions, les banquiers centraux ont aussi la possibilité de tester des mesures, de mener des expérimentations de façons concertées.
Le sujet officiel est cette année « les enjeux des politiques monétaires ». Le sujet central est évidemment le cycle économique et les risques de fort ralentissement, voire de récession aux États-Unis ou dans certains pays de la zone euro. La conjoncture, mais aussi les dossiers adjacents de la guerre commerciale, des tensions sur les changes et la réglementation à envisager pour les géants du numérique, leurs programmes et leurs données, vont ainsi dominer les débats.
Mais, une fois encore, c'est le discours du président de la Réserve Fédérale le 23 août qui donnera le ton de la donne monétaire des mois et trimestres à venir.
Jerome Powell sera attendu comme le premier des contributeurs de la planète monétaire au diagnostic économique, pour l'économie américaine, mais aussi pour le reste du monde et, en particulier la Chine dont les tendances sont amplifiées dans toutes les zones émergentes et au Japon. Ses actions précises pour soutenir l'économie fixeront la direction, en particulier en Europe.
Ainsi, c'est de l'action qui est attendue des grands argentiers, sans que les questions cruciales des règles économiques ou du marché des changes sortent vraiment de l'analyse et d'espoirs d'évolutions.
Les grandes questions d'équilibre hors du champ monétaire doivent venir du politique : commerce, règlementations, devises, fiscalité sont sur la feuille du G7. Si bien des sujets sont entrés dans le champ bilatéral, il reste quoi qu'il arrive aux responsables des pays occidentaux une maîtrise assez absolue : celle de leur fiscalité. Au moment où les Banques Centrales vont innover encore et toujours pour soutenir les économies, l'arme budgétaire devrait être utilisée massivement. Et si possible de façon concertée.
Les marchés de taux offrent aujourd'hui aux grandes économies des financements à des coûts sensiblement inférieurs aux taux de croissance. Les grands États vont sans doute avoir « l'ardente obligation » de la dette et des déficits. Du côté occidental, la balle va passer dans les mains de l'Europe de la monnaie unique : ne pas en profiter et s'accrocher à des dogmes fixés dans une autre économie et une autre finance, dont la fameuse règle des 3 % du PIB comme déficit maximum est l'exemple, ce serait prendre le risque de la croissance. Ce ne sera pas forcément facile du point de vue psychologique, mais le G7 pourrait être le lieu d'une convergence avec l'économie américaine qui bénéficie du soutien budgétaire.