La fin de l'été montre des marchés financiers qui, sur la base des indices et de leurs évolutions, offrent un visage apaisé. Pourtant, quand on rentre dans l'analyse, quand on s'interroge sur des stratégies, il y a un constat qui revient immanquablement : incertitudes.
Les incertitudes politiques ne sont pas vraiment évaluées par des cours d'actions d'obligations ou de devises.
En premier lieu, on doit relever le feuilleton du Brexit. On a bien compris que l'utilisation du référendum dans une démocratie parlementaire est contre-nature. Cela posé, le Premier ministre et celle qui l'a précédé sont condamnés à négocier avec les 27 pays appelés à rester dans l'Union. Mais ils doivent le faire sous la pression continue et permanente d'une Chambre des Communes qui sait plutôt bien trouver des majorités pour refuser, mais n'a pas démontré une capacité à créer. Les derniers épisodes n'ont pas éclairci les choses, au contraire. M. Johnson n'a pas beaucoup de marge de négociation vis-à-vis de ses partenaires puisqu'il ne peut même pas brandir la menace du « No deal ». Il peut même être contraint à demander un nouveau report, refusé par avance par les négociateurs de Bruxelles.
On s'est habitué à ces reports à répétition. On ne peut pas pourtant dire qu'il n'y a pas incertitude : l'économie du Royaume résiste, mais s'infléchit. Contre euro, la devise varie peu au total : la livre sterling est au niveau de l'année dernière et a abandonné 3 % sur les six derniers mois. L'incertitude renforcée par le report demandé et par de très probables élections législatives à venir joue surtout sévèrement sur l'investissement.
Hong-Kong a été ces dernières semaines un point d'actualité qui, au final n'inquiète pas. Le « territoire indépendant » n'a guère de moyens pour résister au pouvoir du parti communiste chinois. En sens inverse, Pékin aurait à perdre à déstabiliser la plateforme d'échange commerciaux et, surtout, la place financière qui joue un rôle direct et indirect dans l'investissement étranger. Les conséquences du bras de fer ont été très limitées pour le moment. Le pragmatisme d'une montée en puissance du contrôle sur Hong-Kong en maintenant les apparences est anticipé, sans vraies craintes.
Il en est un peu de même pour les autres incertitudes politiques comme l'Italie chez nous ou l'Iran au Proche-Orient : elles ne suscitent pas de vraies inquiétudes. Il est vrai que les chocs politiques ne sont pas toujours anticipés.
L'incertitude qui met réellement une pression quotidienne dans les salles de marché et chez les investisseurs est autant politique qu'économique. Il s'agit du conflit commercial qui est désormais une vraie guerre Chine - États-Unis. Les deux « belligérants » ont mis en place les relèvements de taxes sur les importations respectives et ont annoncé les suivantes. Le 15 décembre, l'ensemble du dispositif Trump sera en place (272 milliards de dollars d’importations chinoises taxées à 15% ; 250 milliards à 25 %) La Chine a riposté et, en plus a joué sur le change. Au 31 décembre ses droits de douane seront en état de conflit. Un exemple : le soja américain taxé à 3 % l'année dernière a vu ses droits relevés à 28 %, puis 33 %.
Les effets directs de ces mesures protectionnistes ne sont pas forcément perçus. Si les importations chinoises aux États-Unis ont baissé de 10 % sur les 12 derniers mois, les importations globales sont stables aux USA. En revanche, les conséquences à attendre en termes de croissance et même d'inflation pèsent sur le sentiment économique. Pour les États-Unis par exemple, si la confiance des consommateurs s'érode seulement, la baisse est nette pour les entreprises. Les enquêtes ISM de directeurs d'achat du secteur manufacturier américain sont tombées au-dessous de 50 (le seuil qui annonce une contraction) le mois dernier.
Le ralentissement confirmé du commerce mondial – contraction de 1,4 % en juin en rythme annuel, ce qui est le plus mauvais score depuis la crise de 2007-2009 – est un des facteurs qui joue sur l'incertitude numéro un de cette rentrée. C'est la croissance. Les secteurs manufacturiers entrent dans une phase de ralentissement un peu partout dans les grandes économies et, en conséquence dans la majorité des émergents. Les données avancées (directeurs d'achat) pointées par les spécialistes de BNP Paribas comptabilisent en juin 18 pays en territoire négatif et 8 seulement en positif (indicateur supérieur à 50).
Ce ralentissement commence à affecter les services dans des proportions encore limités.
Pourquoi parler d'incertitude alors que la dégradation de la conjoncture mondiale est actée et la direction prise ? Parce que, derrière la baisse de la production industrielle mondiale, les données réelles restent plus solides. Le ralentissement est une réalité, mais son ampleur est justement la question.
Le risque de récession qui n'est pas vraiment dans les scénarios des économistes l'est sur les marchés de l'argent. Les taux longs bas et même les taux négatifs sont confirmés. L'ensemble des échéances de la dette allemande (jusqu'à 30 ans) « offre » un rendement au-dessous de zéro. L'indicateur qui peut inquiéter le plus est la hiérarchie inversée des rendements des bons du Trésor américain : les maturités de 3 mois à 15 ans rapportent moins que le placement à un mois. Le 30 ans affiche un taux équivalent au taux directeur de la Réserve Fédérale. Cette courbe des taux inversée peut être l'annonce d'une récession et est en tout cas le signe d’un grand pessimisme.
Cette photographie du pessimisme signifie que le risque de récession est dans les cours des obligations. Ce qui n'est pas forcément « pricé » c'est l’hétérogénéité du ralentissement au plan mondial – particulièrement aigu en Europe, principalement en Allemagne – et ses effets sur les bénéfices des actions alors, que les Bourses sont dans leurs zones record.
Cette incertitude un peu générale et qui auto-entretient le tournant du cycle, il revient aux Banques centrales de la diminuer. Elles font le job, annoncent qu'elles peuvent aller au-delà, derrière la Réserve Fédérale et la Banque Centrale Européenne. Mais c'est de la politique que viendra l'engagement qui éclaircira les choses : la guerre commerciale et ses cessez-le-feu et des éventuels traités de paix sont le grand point. Plus de collaboration mondiale dans les soutiens budgétaires le suivent.