La question de l'ampleur du ralentissement du cycle de croissance se pose et les données publiées commencent à refléter les enquêtes, les indicateurs avancés, les divers scénarios. Un indicateur retardé comme peuvent l'être les prévisions de l'OCDE le met en évidence. La semaine dernière, ses spécialistes des études économiques ont révisé à la baisse leurs estimations. Ils attendent la croissance mondiale la plus faible depuis 2009 : 2,9 % cette année ; 3 % en 2020. On avait réalisé encore 3,6 % l'année dernière.
Le cycle se ralentit de lui-même après une durée record de croissance américaine au moment d'une inflexion inéluctable du côté chinois. La guerre commerciale a amplifié des évolutions en quelque sorte naturelles. On mesure le changement de donne au commerce mondial : le recul de 1,4 % en août en rythme annuel au mois d'août est le signe d'une certaine « démondialisation » mais, aussi, du ralentissement général de la croissance. Les échanges mondiaux avaient entretenu la croissance durant toutes les années 2000. Depuis 2012, ils ne sont plus un moteur et sont même devenus un simple agrégat constatant l'évolution conjoncturelle.
Cette évolution conjoncturelle est marquée par un ralentissement généralisé de l'activité manufacturière : la dynamique de la production industrielle mondiale est à son niveau le plus bas depuis 2011 et suit une pente nettement baissière depuis plus de 18 mois. Les indicateurs avancés sont confirmés par la réalité constatée. Il n'est pas inutile de les regarder.
Le fait marquant du moment, c'est le passage de l'indice PMI composite des intentions d'achat des entreprises allemandes au-dessous de 50. Ce seuil de 50 délimite les perspectives de croissance (quand le chiffre est supérieur) et celles de contraction. Au plus bas depuis 7 ans, l'indicateur composite affiche 49,1. Ce passage en négatif traduit une contagion des secteurs manufacturiers vers ceux des services qui avaient plutôt bien résisté jusqu'ici. Le niveau de 41,4 pour le PMI manufacturier allemand (après 43,5 en août), montre que le recul est loin d''être enrayé. Les services ont flanché : le PMI est revenu en un mois de 54,8 à 52,5.
Le constat vaut sérieux avertissement. La première économie de l'Union Européenne avec 21,4 % du produit intérieur brut et, aussi, de la zone euro (29 % du PIB) ne tirait pas à proprement parler le continent, son modèle mercantiliste étant basé sur l'export et sur la compétitivité en particulier vis-à-vis des autres pays européens. Mais son tournant manufacturier désormais suivi par les services est et va être plus encore un frein bien exporté sur le continent.
C'est sans grande surprise que la dégradation des indicateurs avancés allemands se retrouve pour l'ensemble de la zone euro. Le ralentissement manufacturier s'accélère (45,6 ce qui est son plus bas depuis le début du siècle) et la contagion aux services se met en place (52 après 53,5 en août).
Bien sûr, les perspectives sont sensiblement meilleures pour les deux grands pays en croissance : la France et l'Espagne qui, à eux deux représentent 31 % de l'économie de la monnaie unique. Ainsi, pour la France, la résistance est affichée pour les services (encore un indice de 51,6) et même le manufacturier (50,3).
Pour autant, l'automne débute sur le constat d'une croissance en panne pour l'ensemble de la zone euro. La perspective mesurée par un indice composite d'à peine plus de 50 laisse peu d'espoir de trouver, cette année comme l'année prochaine, plus de 1 % de croissance.
La tendance américaine apparaît plus solide et, surtout sur une meilleure pente. Si l'indice composite de 51 ne marque pas un gros écart avec celui de la zone euro, la surprise des dernières publications est l'amorce d'un frémissement industriel et immobilier.
L'économie américaine profite de sa dépendance limitée à l'international. Les données internes de la demande (politique monétaire, marché du travail, coût de financement, accès des entreprises au financement sur les marchés) permettent finalement à la croissance de se maintenir, même sur un rythme qui se modère au fur et à mesure de l'atténuation de l'effet fiscal et budgétaire après trois exercices de plans Trump.
Les chiffres chinois sont toujours compliqués à interpréter. Le sentiment à leur étude est qu'ils traduisent une évolution un peu similaire à celle des États-Unis : une amélioration relative, en tout cas pas une accélération du ralentissement de l'expansion. Cette stabilisation de la dégradation ne vaut pas rebond. La croissance de la production industrielle revient à 4,4 % en rythme annuel, son plus bas niveau depuis trente ans, et confirme en quelque sorte les conséquences du changement de modèle, plus axé sur l'interne que sur l'exportation. Les 6 % de croissance vont être tenus cette année, mais il faut s'attendre à un rythme inférieur à ce fameux seuil l'année prochaine.
Sur la base des indicateurs avancés que sont les PMI, les trois grandes zones qui portent l'économie mondiale vont contribuer à la croissance dans des proportions bien différentes : encore 33 % pour la Chine, 23 % pour l'Amérique du Nord, et moins de 10 % pour l'Union Européenne (dans son périmètre actuel). Un rebond, même léger ne semble envisageable qu'après l'accord commercial États-Unis – Chine. Si sa conclusion est très probable dans le calendrier de l'élection américaine, de son ampleur dépendra les conséquences sur le commerce et, donc, sur la conjoncture générale. Mais, même de façade, un cessez-le-feu est indispensable pour stabiliser une croissance mondiale sur un rythme le plus proche possible de 3 %.