La guerre commerciale froide passe par une phase d'accalmie dans les négociations menées par les États-Unis et la Chine, au moins sur les marchés financiers, la conclusion d'un accord au moins de façade était acquise. L'accord numéro 1, et même les suivants peuvent-ils permettre aux fondamentaux des échanges mondiaux de retrouver ses données de fond d'avant le bras de fer lancé par M. Trump ? Les investisseurs semblent acheter cette perspective avec des cours de Bourse qui anticipent des relèvements en nette hausse des taux de progression des profits. Derrière la stabilisation ce sont pourtant des fondamentaux différents qui se mettent en place et, surtout, une nouvelle règle du jeu qui ne sera pas fixée par le cessez le feu en vue.
Le tournant du commerce mondial est intervenu en amont de l'ouverture des hostilités, le 22 janvier 2018 avec l'annonce par le président américain lui-même d'une première salve de taxes sur des produits importés. Et importés de Chine dans le cas très précis des panneaux solaires par exemple.
De fait, au moment de l'annonce, la conjoncture d'une réduction des taux de croissance des importations américaines, compris entre 8 et 10%, était en quelque sorte programmée. On ne peut pas attribuer leur passage en négatif en novembre l'année dernière, puis régulièrement depuis la fin du 1er trimestre aux mesures de taxation elles-mêmes. Elles se sont certes développées de part et d'autre du Pacifique, mais leur grand effet est lié à l'incertitude qui a freiné les initiatives des agents économiques en cause.
Les importations chinoises, qui ont constitué le support de la croissance européenne depuis le début du siècle ont suivi un mouvement similaire à celui des américaines. On en retrouve les conséquences, précisément dans la baisse continue des indicateurs avancés des intentions d'achat en zone euro, revenus, pour le PMI composite de plus de 58 à la zone de croissance zéro de 50.
Quels que puissent être les facteurs qui y ont concouru, et l'incertitude qui s'est installée a compté, le commerce mondial s'est installé dans la contraction comprise sur un rythme de 1% à 1,5 % en rythme annuel.
Si les importations américaines sont ainsi à peu près stables ou en légère baisse sur un an et donc pas en croissance, celles en provenance de Chine inscrivent un recul de plus de 10 %. On a eu tendance à raisonner en grandes masses et à affirmer que la Chine avait plus à perdre que les États-Unis à une guerre commerciale. Arrivé au stade actuel, les ajustements sont cependant plus limités : pour les américains, les substituts aux produits chinois – pour le marché de la consommation et plus encore pour les fournitures aux compagnies américaines – sont de plus en plus difficiles à trouver à court terme.
Ainsi, la contraction des volumes d'exportation de la Chine vers les États-Unis est à la fois antérieure pour une part à la guerre commerciale et, pour une autre part un peu au bout de sa première phase. Le rapatriement de production en Amérique sera plus la conséquence de la hausse des coûts salariaux chinois que des taxes elles-mêmes. Mais ce type d'évolution s'inscrit forcément dans le long terme … et donc dans un environnement de taxation qui serait stabilisé.
C'est pour cela que la deuxième bataille de la guerre commerciale, celle qui a permis de la qualifier de nouvelle guerre froide, a amplifié une situation qui tendait à trouver de nouveaux équilibres. C'est l'affaire qu'on a résumé avec le dossier Huawei, le géant chinois des télécoms, terminaux, réseaux, serveurs et téléphones intelligents. Sans s'attacher à ce dossier particulier ou à des interdictions ou limitations d'activité aux États-Unis pour d'autres groupes technologiques, il faut retenir la démarche de l'administration Trump et de l'ensemble des membres du Congrès : limiter ou empêcher que les marges réalisées en Amérique financent des investissements donnant un avantage technologique déterminant à des concurrents chinois aux industriels du secteur.
On aura pas mal ironisé sur l'intention de taxer l'importation d'automobiles pour des raisons tenant « à la sécurité nationale ». Le conflit, en voie de normalisation après des négociations serrées, ressort de la même logique : éviter que la révolution du secteur (voitures autonomes connectées, électriques etc.) ne soit financée par les consommateurs américains au profit de long terme d'industriels allemands, japonais ou coréens.
Pourtant, et au-delà, les deux parties sont condamnées à s'entendre.
Ce qui est en cause en premier lieu, c'est l'impact de l'incertitude liée à la guerre commerciale sur les entreprises et, finalement sur la croissance. Du côté américain, le président se doit de préparer l'élection de l'année prochaine et a deux objectifs : montrer avec un minimum de crédibilité qu'il a gagné des points face à la Chine ; redonner de la visibilité aux agents économiques. Du côté chinois, le besoin de maintenir la croissance pas loin de 6% est autant stratégique que social, La mutation de l'économie vers les services et la croissance interne a besoin, encore pour quelques années, de l'apport des exportations au moment où l'expansion est au plus bas depuis 27 ans.
Ainsi, l'accord est obligatoire. Et il est obligatoirement pas mal de façade. Alors, on parle de « phase 1 » de l'accord commercial sino-américain. Du côté américain, on lèvera ou limera des taxes à l'importation de produits chinois annoncées ou déjà mises en place. En sens inverse, une plus grande ouverture du marché interne et, surtout, un engagement d'importations de produits agricoles seront engagés. Il y a plus de flou concernant la propriété intellectuelle, les accès à l'industrie financière ou les secteurs technologiques : il semblerait que les parties se conteront d'un engagement réciproque à « les passer sous revue ».