L'expérience boursière nourrit un grand nombre de maximes qui permettent d'appuyer des stratégies ou – surtout – de conforter une opinion. Parmi celles-ci il y en a une qui n'est jamais démentie, d'autant qu'elle ne prévoit pas de calendrier. Elle est empruntée à la météo : « Après la pluie, le beau temps ». On comprend que cela veut aussi dire que la pluie succède au beau temps. Après l'exceptionnelle année 2019 sur les marchés financiers, qu'est-ce qui pourrait permettre de pronostiquer le retour du gros temps ?
Exceptionnel, le millésime 2019 l'a été et le bilan de fin d'année ne fait que le confirmer. Toutes les classes d'actif sont gagnantes et même largement gagnantes : en moyenne mondiale, 12 % pour les obligations et 26 % pour les actions.
Près de 30 % de performance globale pour les actions américaines mesurées par l'indice S&P Composite ou 27 % pour les européennes de l'Euro Stoxx sanctionnent une année durant laquelle, malgré des flux d'investissement négatifs pour les Bourses, la volatilité n'a pratiquement jamais été aussi basse. La mesure du risque par les investisseurs est donnée par les phases de corrections dans la hausse qui n'ont jamais dépassé 10 %, ce qui est tout à fait exceptionnel. L'actualité politique, géopolitique, économique et même microéconomique (les profits des sociétés) n'a pas pesé lourd face à la nouvelle baisse généralisée des taux des emprunts d'État. Le revirement des banques centrales, encore sur la voie d'une normalisation monétaire fin 2018 a renversé la conjoncture, et a incité les marchés de l'argent à anticiper des baisses de taux directeurs. Le léger rebond des rendements obligataires de fin d'année sur fond de stabilisation de la (médiocre) croissance et d'une trêve dans la guerre commerciale États-Unis / Chine n'a pas vraiment changé cette nouvelle donne de taux, pas plus que la force de l'habitude qui a permis de relativiser le Brexit, l'instabilité italienne, le dossier coréen, celui du Proche-Orient ou la campagne présidentielle américaine.
Au bilan positif pour les investisseurs, loin derrière l'effet taux, on peut retenir une certaine embellie de la croissance : après des trimestres de dégradation, la stabilisation, certes dans des points bas, entretient un réel espoir d'une amélioration tout au long de 2020. La paix des armes dans la guerre commerciale et la perspective d'un accord « de phase 1 » a minima et de vraies avancées pour la phase 2 constitue le troisième des supports de tendance. On doit évidemment relativiser : le réflexe naturel est de chercher des raisons objectives justifiant les ratios de valorisation des actions. Croissance et guerre commerciale peuvent faire l'affaire.
La mise en perspective pluriannuelle est peut-être plus cohérente. L’exceptionnel exercice 2019 n'a fait pour l'essentiel qu'effacer les pertes essuyées au cours de l'année 2018, exceptionnelle en sens inverse. Après la pluie, le beau temps. Ainsi, si l'Euro Stoxx a progressé de 25 % l'année dernière, une bonne part provient du rattrapage de 2018. Sur deux ans, de décembre 2017 à décembre 2019, la hausse se monte à 7 %. Presque la moitié de la tendance longue.
La recette de la hausse 2019, c'est finalement la victoire des marchés financiers dans le bras de fer qu'ils ont engagé avec les grandes banques centrales qui cherchaient en 2018 à rétablir des équilibres monétaires. Elles ont cédé, et, malgré les -timides- éclaircies de la fin d'année sur le plan économique voire géopolitique on ne voit pas de quelle marge elles pourraient disposer pour revenir à une gestion qui soit moins dispendieuse, pas même de viser qu'elle soit simplement neutre pour l'économie.
Ce maintien du côté des grands argentiers va-t-il suffire pour justifier les niveaux de valorisation ? On ne peut pas prendre très au sérieux les estimations de progressions de bénéfices en 2020 du consensus des analystes financiers. Comme tous les ans ils annoncent une progression uniforme de 10 % dans toutes les zones. Le bonus que peut apporter la politique monétaire n'est plus très important. Déjà, le maintien des stratégies actuelles de la part des banques centrales est discuté. C'est le moment où le stimulus budgétaire doit prendre le relais.
Davantage peut-être que la négociation commerciale, ce pourrait être le premier feuilleton de l'année, sans doute d'ici à l'été. M. Johnson a ouvert la voie de façon assez spectaculaire, les États-Unis en année électorale vont sans doute accélérer encore, le Japon est très offensif avec un plan de relance annoncé de 1,7 % du produit intérieur brut des finances publiques pour amortir les effets de la hausse de TVA. Restent la Chine et la zone euro qui cherchent à temporiser : pourront-ils échapper à un bras de fer avec les marchés financiers ? La stabilisation de la conjoncture ces dernière semaines permet de le laisser penser et semble justifier l'optimisme des Bourses. L'étape suivante va être de calibrer les risques – on a un premier test avec le durcissement des États-Unis vis-à-vis de l'Iran - en regard des potentiels.