L'exceptionnel cru financier 2019 – le beau temps qui a suivi la pluie de 2018 suivant notre formule de la semaine dernière – ouvre la voie à un exercice 2020 aux tendances qui paraissent bien accrochées. Toutes les classes d'actifs montrent des investisseurs placés pour le prolongement du cycle économique. Les fondamentaux et les gestions monétaires – croissance stabilisée et faible, taux et inflation très bas - semblent mettre les valorisations à l'abri des risques. Des risques, il y en a pourtant encore et toujours. Les dépasser dans la gestion au jour le jour ou dans les stratégies de moyen terme ne doit pas conduire à les ignorer, au moins pour l'année qui commence.
C'est de la politique ou de la géopolitique que peuvent venir les chocs les plus brutaux bouleversant l'environnement économique et financier. Les tensions de 2019 ont compris la guerre commerciale États-Unis/Chine, le Brexit, l'instabilité politique en Italie et en Espagne, des bruits de bottes au Proche-Orient, les mouvements de contestation sociale, le bras de fer entre le pouvoir chinois les citoyens de Hong-Kong, …
Au bilan, des réactions toujours modérées sur les marchés et, finalement, l'impression que les choses se règlent toujours plus ou moins d'elles-mêmes. La faiblesse des variations sur les taux, sur les Bourses et même sur les cours du brut ces derniers jours face à l'escalade des tensions entre les États-Unis et l'Iran est une bonne illustration.
Le gros sujet géopolitique est cependant la guerre commerciale. Sur ce plan comme sur d'autres, l'effet de l'habitude et de la banalisation joue à plein. Finalement, les marchés financiers semblent se satisfaire du fameux accord « de phase 1 » qui doit être signé cette semaine. En fait de phase 1, on aura bien compris qu'il s'agit d'un armistice, d'un cessez-le-feu, qui ne règle pas les détails (par exemple le niveau des importations chinoises) et, a fortiori encore moins le fond. Il n'y a pas de piste pour la propriété intellectuelle ou celle des données et, en tout état de cause, le différent stratégique pour l'hégémonie économique est fait pour durer.
Au-delà de l'effet d'habitude, les marchés financiers vont cependant subir encore cette pression tout au long de l'année, avec des effets collatéraux pour les autres économies, celles d'Europe continentale au premier plan. Cela reste le vrai risque politique qui plane en ce début d'année.
La résistance aux aléas géopolitiques et en premier lieu à ceux de la guerre commerciale, cette certitude que tout finit par s'arranger c'est la politique monétaire qui l'entretient. Le consensus est tel sur la poursuite de la gestion actuelle des banques centrales, qu'une déception serait sanctionnée très sévèrement. Ce risque est-il à prendre en compte ?
Le niveau de dette général limite sérieusement les marges de manoeuvre : les grands argentiers ne semblent pas avoir vraiment le choix, un an après leur capitulation face aux marchés financiers qui leur ont imposé des politiques très conciliantes. Otages des marchés en apparence et finalement otages des économies, les banques centrales auraient bien du mal à relever les taux ou réduire la taille de leurs bilans en suivant des politiques de normalisation financière. Le risque de hausse des rendements ne semble pouvoir venir que des fondamentaux. Une croissance qui repartirait plus vite qu’anticipé, avec ou sans inflation, pousserait les taux longs. On est devant un renversement des risques : les investisseurs avaient peur d'une récession ; ils seraient pris à contrepied par une forte amélioration conjoncturelle inattendue.
Ce risque est négligé par les marchés. Il est sans doute négligeable à une échéance de un ou deux ans et, en tout cas, pour cette année. Les Banques centrales n'ont pas vraiment de marge, en premier lieu la Réserve Fédérale dans une année électorale.
Finalement, le vrai risque des marchés, ce sont les fondamentaux. Ils ont besoin de taux d'intérêt maintenus très bas pour justifier les cours des obligations et les ratios des actions. Cela semble acquis du côté des banques centrales … tant que l'inflation reste ce qu'elle est. C'est-à-dire pratiquement inexistante. En dehors du scénario « du risque inversé », la probabilité est très faible d'un revirement à un horizon de 18 ou 24 mois. Mais l'anticipation des marchés peut toujours être plus rapide et jouer largement en amont.
Le vrai risque c'est bien sûr la conjoncture. Pas l'emballement du cycle, mais au contraire son essoufflement. Le ralentissement de la croissance est une réalité et n'est pas une conséquence de la guerre économique, même si elle n'aide pas bien sûr. Le phénomène qu'on a appelé démondialisation est finalement un retour généralisé – en particulier de la Chine - à une croissance plus saine, davantage portée par la demande interne et, en particulier la consommation. On comprend que commerce mondial toujours médiocre ne signifie pas croissance en berne.
Ainsi, le risque principal, c'est la capacité des économies des pays développés comme des pays dits émergents, à passer ce stade de la contraction de l'industrie et de l'export sans sombrer dans la récession. Pour l’éviter, les banques centrales seront là plus que jamais, on l'aura compris. Mais le mouvement de fond, celui qui va permettre des profits des entreprises et des dividendes qui justifient les cours de Bourse, c'est du côté des Budgets nationaux qu'il devra venir.
Le premier des risques pour 2020 est peut-être là : celui d'un retard des États à épauler par le soutien public le mix politique monnaie-Budget si la conjoncture faiblissait à nouveau après la stabilisation des dernière semaines. La Chine a toute les armes pour, si besoin en était, éviter un atterrissage brutal de son économie. La zone euro et en particulier l'Allemagne, l'économie la plus fragilisée par les balles perdues de la guerre commerciale, se trouve en première ligne sur le débat et la présidente de la Banque Centrale Européenne a seulement commencé à cadrer la problématique.