La signature officielle, mercredi, de l'accord commercial « de phase 1 » entre les États-Unis et la Chine ne marque sans doute pas la fin du feuilleton. C'est en revanche assurément une étape dans un conflit que le président Trump a ouvert il y a deux ans en annonçant les premiers plans de mise en place de taxations d'importations chinoises. Des mesures annoncées et des mesures prises, il y en a eu des deux côtés et la montée des sanctions et contre sanctions a entretenu un climat de doute forcément préjudiciable à l'activité et à l'investissement. Dans de tels bras de fer, il n'est pas facile de séparer les effets d'annonce, les menaces sans volonté de les exécuter, les procès d'intention. Particulièrement avec des parties prenantes aux circuits de décisions si particuliers : culte du secret et pouvoir absolu du parti communiste d'un côté, excès de communication présidentielle et provocations récurrentes de l'autre.
La signature a suscité des réactions modérées sur les marchés financiers : légère hausse à Wall Street ; petite détente des taux obligataires. Compte tenu des fuites organisées de part et d'autre du Pacifique, l'accord de phase 1 était assez connu. Le président américain n'a pas craint d'avouer suivre de près les réactions des marchés sur le différend commercial : tout ce qui a été validé était dans les cours et il n'y a pas eu de surprise significative. Pour autant, les investisseurs qui avaient acheté la perspective, n'ont pas vendu la nouvelle.
Le principal point acté est l'arrêt de la hausse des taxes (et même un léger allègement prévu du côté américain). Pour le reste, il y a des engagements pour une exécution assez proche et, en particulier, un engagement d'achats de produits américains par la Chine, notamment agricoles. L'ouverture du marché chinois est mentionnée, mais sans vraie définition pratique : on sait qu'en la matière plus encore que dans d'autres, le diable est dans les détails. Il y a encore davantage de doutes à avoir sur un alignement rapide des droits de la propriété intellectuelle ou pour cadrer les transferts de technologie.
Derrière pas mal d'engagements ou d'intentions présentés dans un jargon administratif et diplomatique qui n'est pas toujours concret, on retient finalement la désescalade, la paix des armes. La reconnaissance d'une gestion non administrée du taux de change du renminbi en est une manifestation.
Au-delà de l'exploitation électorale d'un certain succès pour l'administration Trump et pour ses méthodes, il y a un réel consensus aux États-Unis entre Démocrates et Républicains pour poursuivre sur une voie plutôt offensive les termes d'une bataille pour le leadership économique mondial qui est faite pour durer. Cela étant dit, le cessez-le-feu va tenir au moins jusqu'à l'élection présidentielle de novembre et la « phase 2 » se négociera avec l'administration issue des urnes.
Ce que deux ans de tensions ont montré en tout cas, c'est que la contraction du commerce trans-Pacifique entre les deux géants et celle, plus largement, du commerce mondial (qui avait commencé en amont), n'ont pas provoqué de récession. La croissance américaine a tenu et celle de la Chine aussi. Les économies sont tirées par l’activité interne : c'est une constante américaine et c'est l'axe de gestion chinois, le pouvoir suivant de fait les demandes mondiales de rééquilibrage de son modèle.
Pour ce qui concerne les échanges entre les États-Unis et la Chine, les effets des taxes ont joué en faveur d'une contraction des volumes : au quatrième trimestre les importations des Etats-Unis depuis la Chine ont baissé de 20 % sur un an. Les acheteurs finaux américains (essentiellement des entreprises) n'ont pas subi de hausse des tarifs et les exportateurs chinois n'ont pas baissé leurs tarifs. D’un côté, les importateurs américains ont absorbé les taxes dans leurs marges, de l'autre les exportateurs chinois ont préféré réduire le volume des affaires plutôt que faire un effort sur leurs prix.
Commerce mondial en contraction ou en stagnation ne signifie finalement pas économie mondiale en récession. Encore en 2019, la croissance de 3,2% du PIB mondial montre la résistance, malgré un commerce qui recule légèrement, alors même que la production industrielle affiche sa progression la plus basse depuis la crise de 2008/2009 et s'est rapprochée de la stagnation.
L'accord de phase1 a tout d'un coup d'épée dans l'eau, mais il est le bienvenu à un moment où, précisément, la conjoncture industrielle se stabilise en (très) légère amélioration. Les indicateurs avancés des directeurs d'achat permettent d'affirmer que la récession industrielle a été évitée, mais le rebond s'annonce très limité : l'indice PMI mondial industriel des directeurs d'achat s'affiche à 50,1 peu au-dessus du niveau neutre de 50.
La paix est évidemment favorable pour les États-Unis en année électorale. Elle donne au pouvoir chinois plus de marge de manoeuvre pour poursuivre son action d'assainissement des fondamentaux de son économie. Elle est évidemment un bon point dans une conjoncture de croissance toujours faible.
Il sera toujours temps de parler phase 2 l'année prochaine...