Les marchés financiers veulent y croire. Le très fort et très puissant rebond des indices boursiers est bien sûr en premier lieu la conséquence de l'open bar ouvert par les grandes banques centrales. Au-delà même des montants qui, via les secteurs bancaires, arrosent les économies et, donc, en premier lieu les marchés financiers, les instituts d'émission soutiennent directement la valorisation des actifs. Certaines achètent des actions directement ou au travers des ETF. Toutes ont élargi leurs mises en portefeuille des emprunts d'État aux crédits aux entreprises, incluant même les obligations émises par des sociétés à la solidité mal notée et les « anges déchus » passés de la catégorie Investment Grade à celle du haut rendement (High Yield). La valorisation des actifs, les performances boursières, doivent beaucoup aux flux et aux taux d'intérêt pratiquement nuls. Pour autant, la Bourse est – aussi – un instrument d'anticipation. Il faut que les bénéfices qu'anticipent les cours soient au rendez- vous. C'est la question de la croissance
économique et de l'émergence d'un cycle durable après une baisse moyenne des bénéfices des entreprises dans le monde de 25 % à 30 % cette année.
M. Le Maire a fait la une de l'actualité en annonçant son pronostic pour le produit intérieur brut français cette année. Une récession de 11 %, c'est une nouvelle révision de l'activité à la baisse. C'est sévère et constitue le choc le plus fort depuis la guerre. Pourtant, à l'étude, ces 11 % sont basés sur un scénario plutôt optimiste. Cet objectif repose sur une économie française tournant à pratiquement 100% sur l'ensemble du second semestre.
Les indicateurs avancés de croissance un peu partout dans les pays en voie de « déconfinement » ou en ayant atteint ce stade permettent de valider une bonne part de ce scénario optimiste.
La Chine a été la première à être infectée, la première à prendre des mesures d'arrêt de l'activité, puis à les rapporter. Elle est ainsi un peu l'exemple que les autres pays suivent. Les indices des directeurs d'achat annoncent une vraie reprise. Le PMI Caixin composite est passé à 54,5, bien au-dessus du seuil de 50 qui indique une croissance. C'est son plus haut niveau depuis le début 2011, venant après 47,6 en avril alors qu'un point très (très) bas avait été touché en février à 27,5. Portée par les services, la conjoncture chinoise est entrée dans une phase de reprise très violente.
Après les mois catastrophiques, l'Europe va suivre sur ce type de rythme. Aux États-Unis, le choc aura été moins violent, mais bien suffisant pour que la sortie s'inscrive en forte expansion.
Bien sûr, des taux de croissance économique élevés, et même records dans certains cas, partant sur une base très faible ne permettront pas de retrouver la situation précédant le choc. Après 5,8 % de contraction de l'économie française au 1er trimestre, le deuxième se soldera autour de -20 %, voire un peu plus. Selon l'INSEE, dans les deux dernières semaines avant la phase 1 du « déconfinement », le recul du produit intérieur brut était d'un tiers. Partant de si bas, les taux de croissance ne permettent guère de tabler sur une activité bien supérieure à 80 % du niveau d'une situation « normale » dans les trimestres qui viennent.
On sait bien qu'avec une économie tournant à 45 % fin avril, il y a de la marge pour cette phase 1 du rebond.
La baisse de 11 % - si elle pouvait se confirmer – de la richesse produite en France cette année nécessiterait 12,4 % de croissance en 2021 pour retrouver en solde 2019. Cela paraît aujourd'hui hors de portée. La moitié de ce score serait déjà pas mal : le rebond mécanique passé, le retour de la demande s'opérera dans un environnement de croissance faible.
Sur l'ensemble de la zone euro, les scénarios plutôt optimistes limitent la récession 2020 à 8 %, et la croissance 2021 à 6,2 %. Pour les États-Unis ou la Japon, la récession de cette année sera moins forte (mais a priori plus de 5 %), mais, dans ce cas aussi, la conjoncture 2021 ne l'effacera pas. Au total, le PIB mondial est attendu en recul de 3,2 % cette année et ce ne sera pas si facilement rattrapé.
La question est finalement l'après rebond. La sortie du confinement et le rebond mécanique obligatoire ne va pas forcément déboucher sur une dynamique permettant de lancer un nouveau cycle.
L'envolée généralisée des dettes publiques et privées ne semble pas un frein pour ce qui reste de 2020, pour 2021 et même pour 2022. Les banques centrales vont rester à la manoeuvre et une hausse des taux d'intérêt ou une limitation des injections de liquidités ne sont pas vraiment un risque. Le frein à l'investissement ne sera donc pas rapidement les endettements. Les États vont continuer à soutenir la consommation et accélérer les investissements publics. Mais l'investissement privé et les investissements internationaux seront fonction du climat général et d'une consommation qui ne se restaurera qu'avec le temps. Et c'est elle qui fera le cycle à partir du deuxième semestre 2021.
Le grand indicateur sera ainsi le chômage. De ce côté, la facture sera très lourde et le redressement sans doute long et se déroulant de façon très heurtée. Avec des phases d'amélioration brutales, mais, aussi, de détériorations violentes.