Vu des marchés, les mauvaises nouvelles restent encore des bonnes, ou en tout cas, sont au pire neutres. Quels que puissent être les coups de boutoir portés à l'activité par les gouvernements, les investisseurs y voient des perspectives de nouvelles dépenses budgétaires et d'injections monétaires renforcées. Le raisonnement tient en matière de gestion des portefeuilles. Pour autant, les questions fondamentales restent posées et elles reviendront un jour, y compris dans les salles de marché. L'inconnue, la difficulté de se projeter, c'est la croissance.
Le Fonds Monétaire International a ajusté ses scénarios cette semaine. Les différents conjoncturistes ont du mal à trouver des consensus, non pas faute de statistiques, mais plutôt en raison d'indicateurs multiples – y compris les instantanés – et qui peuvent marquer de forts écarts d'un mois à l'autre. Le FMI a l'avantage d'être un acteur mondial du crédit et d'appuyer ses analyses sur des éléments globaux, géographiquement diversifiés, et assez factuels.
L'institution prend ses précautions : elle confirme que « l'économie mondiale est en train de s’extirper du gouffre dans lequel elle s’était enfoncée lors du Grand Confinement d’avril », mais que « la longue ascension de l’économie mondiale vers des niveaux d’activité comparables à ceux d’avant la pandémie demeure exposée à des revers. »
On retient évidement la lenteur de la restauration des conditions conjoncturelles à l'échelle de la planète et les revers possibles, en particulier en raison de nouvelles mesures de confinement prises un peu partout et dont un exemple est fourni par le couvre-feu dans les grandes zones économiques françaises.
Ces précautions ne doivent pas occulter des tendances globales finalement un peu rassurantes. Après la sévère récession cette année (4,4 %), 2021 est attendu en nette reprise, ciblant 5,2 %. Le PIB mondial 2021 serait légèrement supérieur à celui de 2018.
Ce qui ressort de ces projections, c'est la dispersion des conjonctures. Les pays émergents et en développement vont encaisser cette année une récession moindre que les pays développés, et ils vont davantage rebondir en 2021. Ce qui donnerait une contraction de 2,1 % de 2019 à 2021 dans les pays de l'OCDE et une expansion des autres pays de 2,2 % sur la même période de référence.
Pas besoin de rentrer dans le détail pour analyser cet univers conjoncturel anticipé : c'est la Chine qui porte et doit porter le rétablissement des économies. Le FMI y attend une croissance de 1,2 % cette année et de 6,9 % l'année prochaine. Cela se compare avec des récessions en 2020 et un rebond 2021 qui ne permettrait pas de rattraper 2019 pour les États-Unis, la zone euro ou le Japon.
On comprend la prudence des spécialistes : les données économiques comme les données sanitaires en provenance de Chine ne sont pas forcément comparables avec celle des grands pays occidentaux. Dans les deux cas, le pouvoir définit le résultat en amont. Cependant, il faut faire avec ce qu'on a et baser les projections de croissance mondiale sur la communication du parti communiste chinois.
Le plan quinquennal 2021-2025 (le quatorzième), qui est à l'ordre du jour ce mois de la cinquième session plénière du 19ème Comité Central du parti, se base sur ces données de conjoncture assez optimistes. La reprise « en V » lui permet de reconstituer des marges monétaires et de concentrer un effort budgétaire qui va rester très puissant sur l'évolution de son modèle et son intégration dans un environnement concurrentiel qui s'approche des standards internationaux des grands pays. Les ambitions de long terme d'une croissance qui serait qualifiée de durable n'occultent pas le quantitatif ? Les 8 % du FMI sont aussi visés par le pouvoir chinois.
Au-delà de la statistique, c'est la conjoncture internationale qui dépend de l'évolution en Chine. Malgré la confirmation de la contraction du commerce mondial et, malgré la poursuite de la « guerre commerciale » avec les États-Unis quelle que soit l'issue de la présidentielle américaine, le rebond 2021 sur la planète sera fonction de la réalité chinoise.
Une nouvelle fois, c'est l'Amérique qui, en face, va dicter la dynamique des pays développés. Au-delà de programmes électoraux très différents, le rebond américain sera du même ordre sous M. Trump ou M. Biden. Dans les deux cas, on ne doit pas attendre que la demande privée prenne le relais des dépenses publiques. Le mix monétaire-budgétaire sera proche en termes globaux.
La différence que devrait faire le grand favori Joe Biden s'appuyant sur une Chambre des Représentants démocrate sera dans la construction sectorielle. Ses ambitions de transition environnementale et de numérique s'affranchissant des Gafam seront au moins aussi gourmandes en effort budgétaires que les baisses d'impôts et les subventions des Républicains.
La confirmation du rebond de la croissance mondiale au-dessus de 5 % l'année prochaine va dépendre principalement de deux facteurs : l'évolution de l'épidémie dans les pays aux données sanitaires transparentes d'une part, la réalité de la reprise « en V » chinoise de l'autre. On peut être surpris que le programme démocrate américain ou les effets du Brexit soient relégués au second plan.
La sérénité des marchés d'actions, basée avant tout sur les engagements des budgets et des banques centrales, trouve là une certaine justification. Une révolution qui serait portée par le parti démocrate américain n'inquiète pas Wall Street : le soutien à la croissance va demeurer la priorité.