Les mesures d'arrêt quasi total des économies se succèdent en Europe. Le retour à la réalité épidémique – ou à son approche par des pouvoirs politiques qui paraissent plutôt dépassés – est sévère. Les annonces qui, pour beaucoup, démentent celles des deux ou trois semaines précédentes, annoncent un tournant pour les économies. Sur ce terrain, le retour à la réalité va être dur, même si il n'est pas facile à chiffrer pour le moment.
Depuis six mois, on a beaucoup parlé de courbes – y compris dans cette rubrique. L'actualité c'est la courbe « en U » de l'épidémie de la Covid. C'est le cas pour le nombre de décès en Europe. Pour les contaminations, c'est aussi le cas aux États-Unis, mais, en Europe, la deuxième barre du « U » s'envole.
Il serait déplacé d'imaginer de pouvoir faire des analyses sanitaires pertinentes. On fera un jour des bilans des stratégies.
Aujourd'hui, il faut se contenter de prendre les mesures politiques comme elles viennent. Anticiper n'est pas facile et même pratiquement impossible face à des communications qui, forcément, empruntent souvent leurs discours à la propagande. L'objet est de peser sur la vie des personnes physiques, par les mesures coercitives, mais aussi en jouant sur leur façon d'envisager les choses, d'autant que les pays fédéraux, Allemagne en tête, ont du mal à mettre en place des procédures nationales.
On retient quoi qu'il en soit une nouvelle épreuve pour la croissance européenne, au moins pour le quatrième trimestre, sans doute pour le suivant. Face à une économie américaine sur attentiste avec l'élection présidentielle en ligne de mire, la conjoncture se renforce en Chine, avec de plus des statistiques sanitaires – à prendre avec les précautions de rigueur dans le pays – qui montrent une vulnérabilité nettement inférieure à la plus grande part des autres pays.
La dynamique de la région Asie-Pacifique ne sauvera évidemment pas la croissance mondiale. Pour les pays de l'OCDE, c'est le soutien des finances publiques et celui des banques centrales qui vont devoir se renforcer encore.
Aux États-Unis comme en Europe, l'activité économique est environ à 85 % de ce qui était la sienne avant l'épidémie. Il y a une double différence : le bilan 2020 sera moins sévère outre-Atlantique et le plan de soutien fiscal et budgétaire qui n'est pas arrêté pourra y surprendre par sa puissance quels que soient les résultats des élections de la semaine prochaine.
En Europe, on est très loin pour le moment du plongeon du deuxième trimestre. Mais les nouvelles contraintes s'ajoutent jour après jour. Ainsi, le ministre de l'Économie et des Finances français a prévenu que le quatrième trimestre marquerait une nouvelle récession dans notre pays. Même si le dispositif du confinement lui-même peut être un peu plus conciliant qu'au printemps en France comme ailleurs sur le continent, ses effets directs vont être amplifiés par de l'indirect : l'investissement va en particulier se contracter plutôt que repartir.
La première vague avait montré en France l'efficacité du soutien budgétaire : une chute de 20 % du produit intérieur brut, mais un quasi maintien du niveau de vie. La deuxième vague pose le problème des munitions encore mobilisables par les États auprès des banques centrales. Surtout, les entreprises peuvent craquer, même si elles pourront compter sur le soutien de long terme du « plan de relance ». Geoffroy Roux de Bezieu, le président du Medef affirme ainsi que, face à un nouveau confinement, « les entrepreneurs TPE et PME ne vont pas recourir à un nouveau prêt garanti, ils vont simplement fermer. »
On se situe dans les propos faits pour frapper, mais on doit comprendre que la voie prise par le gouvernement est étroite : « protéger les salariés des entreprises et relancer l'activité économique dans le même temps ». La première partie de la démarche va l'emporter aujourd'hui et, pour la seconde, ce qui manque, c'est de la visibilité.
Avec la chute conjoncturelle de fin d'année et ses conséquences sur le début 2021, l'économie en France et en Europe suit une courbe « en w » : des rebonds et des dépressions qui se suivent sans déboucher sur un cycle de croissance. Les scénarios s'ajustent pour un bilan 2020 qui s'alourdit à nouveau. Mais l'inquiétude concerne surtout la suite : le tissu des entreprises sortira plus faible que ce qui avait été le cas en mai et les anticipations des agents économiques vont être davantage freinées face à des épisodes de bouclage des économies qui menacent d'être récurrents.
Il y a pourtant des acteurs qui estiment que la visibilité permet des initiatives, ce sont les intervenants sur les marchés financiers qui restent bien tenus. La visibilité sur laquelle ils comptent et pourront compter, c'est la certitude du soutien monétaire. Les banques centrales ne se limiteront pas à financer les déficits publics : elles vont accélérer leurs injections. Cependant, ces efforts auront bien du mal à entretenir une nouvelle étape de hausse des Bourses. Ce ne serait pas si mal qu'elles contribuent à stabiliser les cours. La divergence entre les économies et les marchés financiers approche sans doute d'un palier. Qui serait d'autant plus marqué à Wall Street en cas de large victoire démocrate la semaine prochaine.