L'annonce par Pfizer d'un succès à 90 % des tests d'un vaccin développé avec la biotech allemande BioNTech est une nouvelle qui dépasse de loin celle de l'issue des élections américaines. Contrairement à ces dernières, c'est potentiellement un changement de donne, pour la vie des gens, pour l'économie, pour la finance. La réaction des marchés financiers est une mesure du bouleversement des scénarios. Ils restent cependant évidement à approcher concrètement.
La perspective d'un vaccin protégeant de la covid-19 n'est pas une plaisanterie. C'est même plus qu'un espoir. Pfizer n'est pas une start-up plus ou moins crédible : c'est le numéro deux mondial des laboratoires (derrière Roche) et a eu en portefeuille pas loin de 20 blockbuster comme le Lipitor, le Xanax et, bien sûr, le Viagra. Près de 50 milliards de chiffre d'affaires, une capitalisation boursière en début de semaine avant l'annonce du vaccin de 200 milliards de dollars : un géant qui compte parmi les 30 actions de l'indice Dow Jones ne communique pas sans biscuits.
Il n'y a pas de certitude bien sûr, mais la possibilité de l’enrayement de l’épidémie voire d'une éradication du virus n'est pas nulle. Le retour à une vie normale apparaît à portée.
Les réactions de nos « autorités » de santé ont à la fois de quoi réjouir et de quoi inquiéter.
De quoi se réjouir car la nouvelle est prise très au sérieux. La perspective d'une vaccination de masse avec le vaccin de Pfizer ou certains des autres qui sont aussi dans la phase trois (mesure de l'efficacité et des risques/bénéfices qui précède la mise en commercialisation) est déjà dans les esprits.
De quoi inquiéter aussi, pourtant. Les porte-paroles de ces fameuses « autorités » ont montré plus que de la réserve après l'annonce de Pfizer. Certains ont même manifesté de l'agacement, voire de la déception. Ils ont marqué une prudence extrême face à la possibilité d'un traitement et on ne peut pas le leur reprocher. Mais ils en ont rajouté. L'impression est que ces experts à qui les hommes politiques ont délégué pas mal de leur pouvoir – pour s'exonérer de leurs responsabilités - ont pris goût à ce pouvoir sur nos modes de vie qu'ils espèrent durablement absolu.
Le discours commence à se rôder : même après l'épidémie, notre vie devra obéir à des contraintes fixées par l'expertise. La démarche s'inspirerait presque directement de celle de la Chine, proclamée par Xi Jin Ping, le secrétaire général du Parti Communiste : selon lui, la pandémie a mis en avant « les avantages significatifs du système socialiste aux caractéristiques chinoises. » La supériorité du modèle de gouvernance du parti sur les modèles des gouvernements occidentaux a ainsi une nouvelle fois été affirmée.
Nos Diafoirus semblent vouloir suivre encore dans l'avenir ces méthodes chinoises, basées sur l'absence de liberté individuelle et la contrainte au nom du bien-être général. Des méthodes évidement efficaces comme le totalitarisme peut l'être.
Il y aura d'autres épidémies, des transmissions de l'animal à l'homme ; il y aura encore des gens qui vont mourir. Le débat des derniers mois a été l'arbitrage entre l'économie et la santé. Celui de demain risque d'être celui de la santé contre la liberté. C'est là le grand risque « du monde d'après » : on s'habitue à exercer un pouvoir absolu et ce n'est pas naturel pour des « experts » d'y renoncer avec la meilleure conscience qui soit. La propagande médiatique devra se cadrer d'elle-même pour que les responsables politiques reprennent finalement … leurs responsabilités.
Pour les marchés financiers, le scénario est très rassurant. La stabilité que l'on peut attendre du côté politique donne de la visibilité et la Réserve Fédérale a toute la crédibilité pour prendre les Le risque d''un frein à la liberté, donc à celle des agents économiques d'entreprendre, d'investir, de dépenser ne doit pas cacher le potentiel.
L'évacuation d'une épidémie ayant bloqué les grandes économies, en particulier en Europe et, à un degré moindre en Amérique du Nord, offre un scénario quasi-idéal. Les sommes investies par les grands États pour limiter la récession sont dans le circuit : en moyenne occidentale plus de 10 % des produits intérieurs bruts (valeur 2019), ce qui est un niveau inconnu en temps de paix et même pour beaucoup en temps de guerre. La conjoncture va être soutenue par ces dépenses auprès des agents économiques quand, pour soutenir le crédit, les banques centrales ont aussi mis sur la table des montants inconnus dans l'histoire économique.
Les États ne reprendront pas rapidement leurs dépenses : les hausses d'impôt à mettre en place ne passeraient pas à un niveau qui puisse être suffisant. Au contraire, les conséquences à court terme des confinements vont inciter à accélérer. Les banques centrales, et la Réserve Fédérale américaine qui va donner le ton, ne vont pas non plus reprendre les liquidités injectées avant un long moment : si, déjà, elles infléchissent leurs programmes dans quelques trimestres, ce sera déjà une stratégie osée. Christine Lagarde, la présidente de la Banque Centrale Européenne a prévenu cette semaine : « la reprise pourrait ne pas être linéaire, mais plutôt instable, sur un mode marche-arrêt ». Elle annonce en filigrane la poursuite des dépenses budgétaires et des injections monétaires sur l'air du « quoi qu'il en coûte ».
Les économies américaine et européenne se trouvent ainsi dans une conjoncture de soutien durable de sortie de guerre ou de dépression alors que les fondamentaux vont se rapprocher de la situation pré-covid. La récession n'a pas (encore?) détruit des actifs de production et les emplois ont été préservés pour une part. Fin 2021 ou, en tout cas au 1er semestre 2022, la croissance qui faiblissait à la fin de l'année dernière sera relancée assez vivement. Anticiper des produits intérieurs bruts supérieurs à ceux de 2019 dès 2022 et, en rythme dès la fin 2021, est plus que raisonnable.
Dans un environnement mondial où la Chine et le Japon ont tenu, l'Europe et l'Amérique du Nord échappant au scénario en « w » du double creux tireront la croissance mondiale. On doit s'attendre dans les mois qui viennent à des révisions continues à la hausse des taux de croissance. Le principal frein dans une conjoncture de vaccin efficace – qui sera soumise à des modifications durables pour l'organisation des activités de service, et avec moins de mobilité pour les hommes et pour certains biens - tient précisément aux limitations à la liberté de l'ensemble des agents économiques qui proviendrait d'une politique dominée par la peur sanitaire. Reste la finance.
Les Bourses ont flambé dès l'annonce de Pfizer. Depuis le 30 octobre, dopé d'abord par les élections américaines débouchant sur un statu quo avec un Sénat Républicain, puis par les annonces de vaccin, l'Euro Stoxx a pris 16 % et a réduit ses pertes sur l'année à 7,7 %. Sur les seules trois séances ayant suivi la communication de Pfizer, il a gagné 8,2 %. L'indice Dow Jones est à 1,8 % de son record absolu, le Nasdaq à 2,5 % du sien, le Nikkei 225 est à son record de 30 ans. Le premier gagne 3 % depuis le début 2020, le deuxième 31 %, le troisième 9,5 %.
Du point de vue des investisseurs le scénario idéal qui se dessine pour les économies l'est plus encore. L'immobilisme politique américain qui se profile donne de la visibilité pour profiter directement des soutiens budgétaires et monétaires généralisés. L'argent gratuit et donné à livres ouverts se dirige et va le faire plus encore vers les biens réels : actions, immobilier, or … voir même crypto-monnaies. La croissance peut justifier une réévaluation des multiples d'évaluation en Bourse.
La rotation sectorielle à laquelle on a assisté ces derniers jours s'inscrit dans ce scénario idéal : les critères d'évaluation des différents secteurs d'activité ont tendance à se rapprocher. On ne voit pas pour le moment le risque. Ce serait celui d'une surchauffe et d'un regain d'inflation qui semble bien loin.