L'année 2020 a suivi un calendrier que personne ne pouvait imaginer il y a seulement un an. La page se tourne, pour les économies, pour la politique et la géopolitique et pour les marchés financiers.
On anticipe qu'elle le fasse aussi sur le plan sanitaire, dans les trimestres qui viennent. Le cygne noir – l'événement imprévisible qui bouscule les scénarios – a été cette épidémie qui n'est pas vraiment d'une portée nouvelle : en proportion des populations, elle s'inscrit dans la ligne de précédentes. Mais, elle s'applique sur une population mondiale de plus de 7,8 milliards d'individus.
Sans égrener les épidémies qui ont marqué l'histoire de l'humanité, les 0,2 % de morts par rapport à la population mondiale déplorés aujourd'hui depuis le début de celle de la Covid-19 se comparent avec 2,6 % pour la peste antonine du IIIème siècle ; 1,7 % pour la peste de Chine des années 1860 ; 4,6 % pour la grippe espagnole de la fin des années 1910. Au bilan final, la grippe de Hong Kong de 1968 avait emporté 0,3 % de la population mondiale : on n'est pas hors de proportion aujourd'hui.
La croissance démographique explique pour une part les retombées économiques générales sans rapport avec celles d'il y a 50 ans : le nombre des habitants de la terre a été multiplié par 2,3. Mais un autre facteur a joué et beaucoup joué : la vitesse de circulation de l'information. L'ampleur de cette épidémie est due à des facteurs démographiques et pas d'abord à la mondialisation qui en est leur conséquence. Mais la mondialisation a joué à plein pour informer tout un chacun, entretenir ses peurs, justifier son recours aux pouvoirs politiques, accepter finalement ou même demander des limitations à la liberté des personnes et des affaires.
Cette même mondialisation est en voie de juguler l'épidémie du fait de la mobilisation sans précédent des moyens des industries pharmaceutique. C'est aussi elle qui, en diffusant à travers le monde les avancées et, on l'imagine, la fin de l'épidémie, posera les bases de la conjoncture post-Covid. On résume souvent les espoirs pour l'année 2021 comme celle du retour à une certaine normalité : une année sans Covid et sans Trump.
Le cadre des scénarios optimistes est bien tracé. Le point déterminant sera évidemment le traitement de l'épidémie. Les campagnes de vaccinations sont lancées et, au-delà des péripéties d'un pays à l'autre ou au-delà de retards propres au fonctionnement de l'Union Européenne, l'objectif raisonnable est une immunité assurée d'ici à la fin de l'année.
Les moyens vaccinaux seront là pour être développés dans les trois trimestres qui viennent. Leur efficacité semble a priori démontrée. Les délais peuvent nous paraître bien longs, mais, au contraire, c'est la rapidité des recherches, des confirmations et des autorisations qui est la surprise et qui sous-tend les projections sanitaires. La mise en place des productions de masse, de l'organisation de la distribution et de la vaccination elle-même va prendre un peu de temps, mais elle ne doit pas occulter l'incroyable rapidité de la recherche médicale.
C'est la fin de l'épidémie qui pourra libérer les économies et permettre le développement des anticipations actuelles des agents économiques et des marchés financiers. La condition paraît d'autant plus cruciale face au rebond des infections qui frappe actuellement.
La deuxième vague et une mutation du virus accélérant sa diffusion provoquent en effet de nouvelles mesures publiques qui contraignent les économies. C'est le cas en Europe, cela va l'être en Amérique du Nord et, à divers degrés, dans l'essentiel des pays situés au nord du tropique du Cancer. L'Asie reste en partie épargnée, même si les informations chinoises sont toujours soumises à caution.
Ce qui est cependant marquant dans cette troisième vague, c'est la résistance des économies.
Les indices PMI des directeurs d'achat donnent une bonne indication de la façon dont les économies ont encaissé cette fameuse deuxième vague, qui a pourtant entraîné des mesures de confinement, de couvre-feu, de restrictions aux frontières. Comptabilisés sur les grandes économies (États-Unis, Europe au sens large, Japon et Australie), ils affichent un niveau supérieur à 50, ce qui est la limite entre l'expansion et la contraction. Les secteurs manufacturiers dépassent 55, les services 51 et la moyenne se situe au-dessus de 52.
Ainsi, sur une base 100 des PIB des pays développés en décembre 2019, l'activité se situe à 96 % alors qu'on était passé au-dessous de 86 en juin dernier.
L'activité économique est pour le moment peu perturbée, y compris en Europe où les mesures contraignantes ont été particulièrement sévères. Le quatrième trimestre va se conclure en contraction du PIB en raison de la forte baisse le premier mois, mais le climat s'est peu à peu reconstitué. Du côté américain, la période montrera une croissance assez solide.
Pour autant, malgré les dégâts limités, les premiers mois de 2021, toujours sous la pression du manque de mobilité, vont encore mettre en évidence le besoin d'actions publiques et monétaires énergiques. Elles sont programmées et annoncées, en particulier en Europe et, aux États-Unis, elles devaient être majorées après le basculement de la majorité au Sénat.
La réaction des citoyens face à l'épidémie a été le recours à l'État. Cela a été le cas pour la gestion sanitaire et ce l'est au moins autant pour celle des économies. Les déficits publics et les injections financières des grandes banques centrales – dont une part finance justement les États – sont désormais considérées non seulement comme normaux mais comme indispensables. Ils peuvent même aux yeux de beaucoup d'agents économiques, être exigés, d'une façon générale et, aussi, pour leurs cas personnels.
Là se trouve la base « du scénario idéal » qui semble se dessiner pour les économies à une échéance de 12 à 18 mois et que les marchés financiers prennent déjà en compte.
Les semaines qui viennent vont permettre – en particulier au sein de cette chronique – de fixer le périmètre de scénario idéal et, aussi, les risques de cassure. Le fond est solide : derrière les à-coups de la Covid, le cycle de croissance est enclenché : si des révisions à la baisse des estimations de croissance mondiale sont à envisager pour les quatre premiers mois de 2021, l'objectif de 4,2 % pour l'ensemble de l'exercice pourrait finalement être relevé et permettre de retrouver dès la fin de l'été le niveau de la fin 2019 pour les pays développés. Les projections 2022 devraient confirmer que le rebond de cette année ouvrira un cycle de croissance qui est pour le moment sous-jacent.