C'est une nouvelle épidémie qui se pointe pour menacer les économies. Bien sûr, c'est encore une conséquence du regain de la Covid avec le « variant Delta». Le frein est un dérivé de cette « quatrième vague ». Il vient de Grande-Bretagne, qui a été un laboratoire du traitement – avec ses échecs et ses réussites - depuis qu'elle a été touchée à la fin janvier de l'année dernière. Son nom ? La « pingémie ».
C'est la conséquence des règlementations sanitaires du Royaume-Uni, qui évoluent en permanence comme le montre la suppression cette semaine de l'obligation de quarantaine pour les vaccinés en provenance de France. En revanche, l'isolement est imposé pour ce que nous appelons « les cas contacts ». Le signal sur le smartphone par un « ping » informe les habitants des îles britanniques de l'obligation de s'isoler pendant 10 jours.
Évidemment, l'opportunité du traitement du nouveau type de contagion ne peut pas vraiment être jugée a priori. En revanche, la mobilisation des différentes branches de l'économie britannique pour demander au gouvernement de s'amender montre les dégâts que cette pingémie est susceptible de produire dans la conjoncture pourtant sur la pente du fort rebond de l'ensemble des pays de l'OCDE.
Au-delà de l'adaptation de la réglementation par le gouvernement de M. Johnson, avec le souci de ne pas frapper trop fort face à de « faux positifs » et de se prémunir des « faux négatifs », cette pingémie se développe et va le faire encore sous d'autres noms et formes un peu dans tous les pays. Un écueil peut être une entrée massive des populations en résistance en se déconnectant des applications type anti-Covid ou en bloquant la géolocalisation de ses smartphones. Ce qui impliquerait des risques de renforcement épidémique. L'autre risque concerne directement la conjoncture qui se développe après la libération des agents économiques : un retour en arrière en raison d'une quatrième vague remet-elle en cause les scénarios économiques ?
Le calendrier conjoncturel a de quoi rendre particulièrement pénalisant de nouveaux blocages publics. Le consensus des économistes estime que le pic de croissance a été passé à la fin du printemps aux États-Unis. Compte tenu du décalage de vaccinations, il devait être atteint en Europe continentale au tournant de l'automne. Les règlementations diverses de contrôle ne remettent pour le moment pas vraiment en question les projections, mais des « reconfinements » seraient de nature à amplifier l'inflexion de la croissance.
Il ne s'agit pour le moment que d'une légère réduction de l'expansion forte d'un environnement de rattrapage : on reste sur un plateau très élevé aux États-Unis et on n'a pas atteint le pic en Europe.
Les données publiées confirment cependant ce passage de pic. La croissance américaine au deuxième trimestre est inférieure aux estimations et, tout en restant très soutenue sur un rythme annualisé de 6,5 %, elle marque un reflux par rapport aux 8,4 % des trois premiers mois de cette année. La consommation s'est encore emballée puisque qu'avec une progression de 12 % en rythme annuel, elle améliore légèrement son score par rapport au trimestre précédent et qu'elle a contribué pour les deux tiers à l'expansion générale. Cela signifie aussi que l'investissement ralentit sous la pression de hausses de coûts, de décision des entreprises de modérer leurs décaissements et de différer les restockages dans un contexte de contraintes sur l'offre.
Le profil conjoncturel est confirmé par les indicateurs avancés des intentions des directeurs d'achat et du moral des ménages. Il est bien celui du maintien d'un haut niveau, mais en recul, après le passage du pic. Le troisième trimestre va rester sur une forte tendance aux États-Unis, mais l'expansion va très nettement se modérer dans les derniers mois de l'année. Le cycle ne sera pas différent en Europe avec trois à quatre mois de retard.
Les marchés financiers validaient ces projections d'inflexion jusqu'à la mi-juillet. Après une hausse de 10 % au premier trimestre, les actions américaines avaient simplement confirmé, perdant le dynamisme initial. Il en a été de même sur les marchés obligataires. Cependant, depuis la mi-juin, l'assaut des records de l'indice S&P 500 est porté par une nouvelle progression de 6 %. La tendance est répliquée en Europe où le CAC 40 tente une nouvelle fois les 7.000 points après une avance de 6,8 % depuis la troisième semaine de mai. Les investisseurs ne suivent pas la prudence des conjoncturistes.
Cette divergence relative a de multiples raisons.
En premier lieu, les marchés ont pris en compte les résultats semestriels publiés par les entreprises : ils sont supérieurs aux attentes et les communications des managements ont entraîné de nouvelles révisions à la hausse pour l'ensemble de l'année et, aussi, pour 2023. La microéconomie est plus optimiste que la macro, qui est sans doute très en avance.
En deuxième lieu en raison de la solidité du premier des facteurs de croissance des économies : le
consommateur. Il ne faiblit pas aux États-Unis – l'indice du Conference Board a marqué la plus forte progression de son histoire au 1er semestre - et il est sur une pente forte en Europe. Des deux côtés de l'Atlantique, les ménages ressortent de la crise avec une situation financière améliorée (baisse de l'endettement- hausse de l'épargne à vue) ce qui garantit en quelque sorte le mouvement, qui est de plus dopé par l'ouverture de certains secteurs qui ont été partiellement ou totalement bloqués.
Le troisième soutien va plus compter en 2022 que cette année : il s'agit des plans d'investissements publics, massif aux États-Unis à la nuance de la sanction parlementaire près, moins puissant mais plus assuré en Europe avec l'efficacité de la machine de Bruxelles.
Les deux derniers piliers de la croissance et de la confiance des investisseurs font l'actualité de cet été : la gestion monétaire et l 'évolution sanitaire.
Ces deux facteurs de sensibilité vont le rester.
Les conséquences d'une pingémie générale qui s'étendrait ou de mesures plus sévères en cas de quatrième vague qui frapperait plus fort, ne sont pas prises en compte dans les cours de Bourse. Les dix-huit derniers mois nous ont appris la prudence sur ce dossier. L'actualité du sujet va rester pressante sans doute au moins jusqu'à la fin de l'année, sur un fond de confiance persistance dans les effets de la vaccination.
Les budgets publics sont mobilisés et vont le rester : c'est la Réserve Fédérale qui va cadrer le cycle et, plus encore les marchés. Le rendez-vous est fixé pour le symposium de Jackson Hole à la fin du mois. Entretemps, les données d'inflation et celles du marché du travail seront analysées, mais c'est la direction pour cette année, 2022 et même 2023 définie par une communication du patron de la Fed, qui va donner le ton.