Est-on sorti de l'épidémie avec la vaccination massive qui devait conduire à une immunité collective, annoncée dans certains pays en avance, et visée chez nous ? On comprend aujourd'hui que ce n'est pas certain et même peu probable. Le règlement de cet épisode inédit d'une pandémie mondialisée traitée avec la communication globale et des mesures brutales sur l'ensemble de la planète va prendre plus longtemps que ce qui était espéré ou prévu il y a quelques semaines.
Comme le reconnaissent la plupart des analystes, il va nous falloir vivre encore un bon moment avec cette Covid-19. Faire un point sur la situation trois semaines avant l'automne dans l'hémisphère Nord n'est pas forcément facile tant les situations sont finalement disparates et évolutives. La puissance des communications plus ou moins orientées ne facilite pas les choses et permet encore moins de se projeter.
Dans ces conditions plutôt floues, un environnement économique à nouveau bousculé par une épidémie est un risque de court et de moyen terme qui ne peut être ignoré dans la conjoncture financière qui se base sur le prolongement du rebond.
On a le droit d'être inquiet. Compte tenu de l'historique des déclarations depuis 18 mois, le Premier ministre ne rassure pas, au contraire, quand il déclare – en prenant toutefois des précautions oratoires – que « la situation est maîtrisée, on va dire contrôlée » face à la « quatrième vague. »
Le net regain des contaminations en Israël, le pays le plus rapidement vacciné et dont le taux général de 63 % pouvait permettre de viser la fameuse immunité collective remet en question les anticipations. La même tendance, certes atténuée, est observée au Royaume-Uni, alors que, s'il est impossible de connaître précisément la situation chinoise, les statistiques instantanées (comme la consommation d'énergie) ou la fermeture de certains ports indiquent que des confinements sont à nouveau en place.
Le doute venant des pays vaccinés ne fait que relativiser les propos de M. Castex. Le pic de la « quatrième » vague est bien passé et chacun peut s'en convaincre en consultant les statistiques sur son application TousAntiCovid. De plus, l'efficacité des vaccins sur les cas graves est patente et l'exemple américain le montre malgré les hausses actuelles des hospitalisations.
Mais le doute s'est installé.
Au-delà de la recrudescence de cas dans les pays les plus anciennement vaccinés en masse, le doute concerne aussi la saisonnalité. L'automne 2020 avait été une phase de net regain épidémique après un été plutôt serein. Au phénomène purement saisonnier pourraient cette année s'ajouter les variants de l'hémisphère sud, actuellement à la fin de l'hiver.
Les déjà fameux C12 et Mμ sont résistants aux vaccins. Leurs mutations sont très rapides. Cependant, leur diffusion – élevée en Colombie et émergente en Equateur - ne leur a pas permis de prendre le pas sur le « Delta » de notre quatrième vague. C'est sur cette base que l'Organisation Mondiale de la Santé les a classés seulement dans la catégorie « variants à suivre ». Pour le moment, ils pourraient encore être finalement le dernier avatar de l'épidémie avant son essoufflement. Ils ne se sont pour le moment pas développés dans l'hémisphère Nord où ils sont apparus de façon tout à fait marginale au printemps.
Avec ces souches nouvelles ou encore avec celles, plus efficacement contrées par les vaccinations, il ne faut en tout cas pas exclure un regain d'automne, y compris en Europe ou aux États-Unis.
La réponse des gouvernements ne pourra être la même. On ne peut pas imaginer pas que les économies puissent à nouveau être bloquées au risque de créer une récession. On peut encore moins attendre que les budgets publics soient mis à contribution dans les niveaux atteints pour compenser des fermetures ou des confinements.
Stabiliser les déficits est un objectif qui ne va pas être facile, mais les accroître dans de fortes
proportions serait irréalisable. On sait que les États ne remboursent jamais vraiment leurs dettes mais, dans l'hypothèse, ce sont les banques centrales, acheteuses en dernier ressort des créances publiques qui seraient les financières. Compte tenu des niveaux de concours monétaires à l'économie, faire marcher la planche à billets entraînerait de vrais risques de moyen et de long terme sur l'inflation et la croissance.
Le bilan de la Réserve Fédérale américaine va dépasser 45 % du produit intérieur brut des États-Unis au printemps prochain. La BCE a déjà investi 80 % du PIB de la zone, la Banque d'Angleterre approche 40 % et la Banque du Japon dépasse 130 %. On ne peut par ailleurs pas nier que les effets multiplicateurs des déficits et des émissions de monnaie se contractent au fur et à mesure des programmes.
À cette situation monétaire et budgétaire d'exception, s'ajoute un tissu économique que la crise n'a évidemment pas assaini en raison précisément des budgets dégagés. Les bilans des entreprises - mais pas ceux des ménages - traduisent une hausse des endettements.
Les scénarios de l'automne et de l'hiver doivent prendre en compte les risques sanitaires saisonniers. La troisième injection de vaccin va devenir la règle avec des sujets de production et, surtout, de crédibilité des recommandations publiques et donc d'acceptation de la part des particuliers. On note déjà une inflexion du rythme dans la plupart des pays. Les craintes peuvent porter dans le prolongement sur le moral des ménages.
De plus, sans doute les pressions sur l'offre provenant des approvisionnements, en particulier chinois, vont limiter la croissance. Pour autant, l’impact direct ne laisse envisager qu'une érosion de taux d'expansion, toujours élevés. La dynamique s'est déjà infléchie, mais seules des politiques de blocages sembleraient susceptibles de faire replonger la conjoncture.
On n'en est pas là. M. Le Maire a bien résumé la problématique en annonçant cette semaine la fin du « quoi qu'il en coûte ». Des compensations passées qu'il a chiffrées à près de 10,5 % PIB de notre pays. Ainsi, il est admis aux plus hauts niveaux de l'État que ni les gouvernements, ni les banques centrales n'auraient la capacité à éponger les conséquences de blocages, même limités. Et même que la pérennité des mesures subsistantes posera question.
C'est finalement une bonne nouvelle : on va laisser faire et maîtriser le sanitaire et l'économie en prenant des risques, mais en renonçant au saut dans le vide. Le pragmatisme pourra conduire à vacciner encore davantage et avec de nouveaux vaccins comme à soigner davantage aussi. Des à-coups pour le cycle ne sont pas à exclure, mais le pire sanitaire est loin d'être sûr, au contraire. Le risque ne peut être surestimé au moment où, même atténués par le Parlement aux États-Unis, les
plans d'investissement vont se mettre en place pour doper la croissance potentielle.