L’Italie a élu samedi son président pour un mandat de 7 ans. En réalité, les élus des deux chambres et les délégués des régions ont réélu le sortant. Sergio Mattarella, 80 ans n’était pas candidat, mais, à l’issue de 7 tours de scrutins n’ayant pas permis de lui trouver un successeur, s’est « mis à disposition » pour éviter une crise institutionnelle. M. Mattarella aura joué un rôle qui a dépassé les fonctions de chef d’État qui lui sont dévolues et qui sont de représenter la permanence du pays, en étant symboliques et de représentation, comme c’est le cas pour les présidents et les souverains dans toutes les démocraties parlementaires européennes. En effet, ses 7 ans passés au Quirinal ont été émaillés de crises, y compris de crises politiques. Ce sicilien est un cacique de la Démocratie Chrétienne, fils d’un de ses ministres dans les années 1950 et 1960 et frère d’un président de la région de Sicile assassiné par la Mafia en 1980. C’est lui qui a cadré les institutions de 2016 à 2018, organisant des élections malgré une vraie crise constitutionnelle après le rejet des réformes proposés par Matteo Renzi. M. Mattarella a de fait écarté de la Présidence du Conseil les représentants des partis populistes ayant gagné les élections pour imposer – finalement trois fois - le gouvernement « technique » de Guiseppe Conte. Mattarella a aussi joué un rôle central dans la résolution d’une crise diplomatique franco-italienne en 2019, prenant le pas dans les négociations avec le Président français sur les chefs de la coalition majoritaire au parlement. Enfin, il y a un an, c’est encore le président de la République Italienne qui nommera Mario Draghi à la présidence du Conseil, obtenant pour lui les majorités parlementaires nécessaires.
Le scrutin de ce mois de janvier pour lui trouver un successeur a mis en évidence l’éparpillement des parlementaires italiens. Après les premiers tours de scrutin, on ne voyait guère que M. Draghi pour être élu. Il serait passé de la Présidence du Conseil à celle de la République, perdant son pouvoir exécutif – et finalement législatif du fait de son autorité au Senat comme à la Chambre des Députés. Même en bénéficiant de la position suprême, il n’aurait sans doute pas pu empêcher une crise politique et une dissolution anticipée du Parlement avant l’échéance de 2023. La résignation du président sortant à rester en place n’est peut-être que temporaire et l’accession de M. Draghi après les élections générales de 2023 et le retour d’un gouvernement de coalition majoritaire apparaît finalement assez probable. Sans doute à ce moment, l’autorité de M. Draghi – qui aura tout de même 75 ans- pourra être bienvenue. La crédibilité de l’ancien grand argentier (en particulier à la Banque Centrale Européenne) qu’est M. Draghi peut se mesurer à l’écart du rendement des emprunts d’État à 10 ans (BTP) avec ceux du Bund allemand de même échéance : malgré la tension générale sur les taux obligataires, le surplus reste finalement contenu à 1,40 %. 16 mois supplémentaires donnés au gouvernement « technique » mais largement soutenu ne seront pas inutiles pour transformer l’essai. Les fondamentaux italiens permettent d’y croire.
L’année 2021 ne se résume pas pour l’Italie à cette évolution politique. Le rebond conjoncturel général a permis une croissance de 6,5%. C’est certes un peu inférieur au niveau français, mais largement supérieur à celui de l’Allemagne alors que le profil de l’économie italienne, lié à la contribution de la production manufacturière (24% du PIB), a été nettement moins porteur que chez nous. La révision continue à la hausse de la croissance est bien sûr liée à l’avance que la Péninsule a eu dans l’épidémie : première touchée, première aussi à avoir connu les déblocages. Mais c’est aussi la résultante du programme de soutien à l’économie, obéissant à une logique différente de celle de l’Allemagne et, plus encore, de la France. Au-delà du maintien quoi qu’il en coûte (une formule que M. Draghi avait inaugurée à la BCE), le gouvernement Draghi a orienté les dépenses vers une croissance de moyen terme, obtenant par exemple un regain de confiance sérieux de la part des agents économiques, ménages comme entreprises. Le Premier ministre s’appuie sur un profil budgétaire primaire (hors coût de la dette) qui peut tendre vers l’orthodoxie et qui, dès la fin 2021 a bénéficié pour cela des premiers concours du plan de l’Union Européenne Next Generation. Le budget 2022 prévoit un déficit ramené à 4,3 % du produit intérieur brut quand la France affiche 5 %.
L’engagement réitéré de rentrer dans les fourchettes des traités européens a été aidé par la capacité des entreprises italiennes à augmenter leurs marges dans un environnement de regain inflationniste. Le souci d’orthodoxie a certes rétabli le dynamisme interne mesuré par la confiance. Mais il vise aussi à obtenir une évolution des règles de l’UE et de la BCE dans les deux ans pour assurer une croissance durable. La question est évidement le poids de la dette : 1,55 fois le PIB, à comparer avec les 1,15 de la France qui, cependant offre un profil nettement plus dégradé en matière de déficit primaire. La réduction des souscriptions de la Banque Centrale Européenne aux emprunts d‘Etat ne posera pas cette année de problème de financement au Budget italien. M. Draghi a pour lui son profil personnel et le potentiel de croissance de son économie pour obtenir – en particulier face à la coalition allemande - une modification des règles européennes de dette sinon de déficit. De fait, ces deux atouts lui donnent le leadership en la matière, la France lui devant lui venir en soutien quel que puisse être son président et sa majorité parlementaire. Le président du Conseil avait bousculé les règles de Maastricht pendant son mandat à la BCE. Il va à l’évidence tenter de le faire à nouveau pour que la dette qui est un stock ne vienne pas casser la croissance qui est un flux.
Le soupir de soulagement des marchés lundi après la réélection de M. Mattarella (baisse de 0,06 % du rendement de l’emprunt de référence à 10 ans) se comprend bien. La croissance potentielle est relevée et, plus conjoncturellement, l’année 2022 va marquer une avance par rapport à la moyenne de l’Union Européenne. Le score italien est attendu à 4,8 % ce qui est supérieur à la moyenne de la zone euro de 4,3 % et, surtout à celui des deux autres grandes économies de la zone qui vont tourner autour de 4 %, un peu moins pour l’Allemagne, un peu plus pour la France. La concentration de l’indice directeur MIB n’en fait pas le meilleur support pour profiter de la tendance et du flux de nouvelles à venir. C’est dans le panier des valeurs moyennes italiennes que va se trouver le meilleur potentiel, plutôt valeur par valeur, que via des indices comme les FTSE Italia Small Cap ou Mid Cap.