Revue des marchés du mois de mars 2022
Le mois de mars a été caractérisé par une très forte volatilité sur les places financières mondiales. Le conflit en Ukraine a d’abord déclenché un vent de panique et a entrainé une baisse de 10% des bourses européennes sur la première semaine. Au-delà de la catastrophe humanitaire en cours, des dommages économiques se font sentir dans le monde entier à travers notamment de l’explosion du prix des matières premières. À elles deux, la Russie et l’Ukraine totalisent un tiers environ des exportations mondiales de blé et sont d’importants producteurs de pétrole, de gaz, d’engrais et de métaux utilisés dans l’industrie comme le nickel et le palladium. Après un point bas atteint le 8 mars, coïncidant avec le pic du prix du pétrole, les marchés financiers ont ensuite effacé leurs pertes portés par l’espoir d’une résolution du conflit.
En réaction à l’agression de l’Ukraine, attaque militaire considérée comme la plus importante en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les sanctions américaines et occidentales à l’encontre de la Russie se sont multipliées et le pays de Vladimir Poutine subit désormais un isolement politique et économique. Après l’exclusion de nombreuses banques russes du système bancaire SWIFT, la bourse moscovite et le rouble se sont effondrés. Sur le terrain, l’armée de Vladimir Poutine a subi de nombreux revers et malgré des bombardements incessants, elle s’est heurtée à la résistance des forces ukrainiennes et n’est pas parvenu à prendre la capitale Kiev. Des discussions se sont tenues en fin de mois à Istanbul entre les deux parties. La Russie a affirmé se reconcentrer sur ce qu’elle nomme la “libération” du Donbass à l’est du pays.
La très forte mobilisation des Etats-Unis et de l’Europe afin de fragiliser et d’isoler la Russie a fortement perturbé les marchés des matières premières. Le Brent a dépassé lors de la séance du 8 mars les 130 dollars le baril, soit une augmentation de +68% par rapport à son niveau du 1er janvier ! Les prix du gaz se sont également envolés, la Russie étant le principal fournisseur de gaz de l’Union Européenne. Le président américain a déclaré puiser dans les réserves stratégiques du pays à raison d’un million de barils par jour afin de soulager les tensions sur le marché pétrolier ce qui a permis une détente des cours. L’OPEP et la Russie ont décidé de brider leur production à une augmentation de 400 000 barils par jour à partir du mois de mai malgré l’envolée des cours. Lors de la dernière réunion du cartel pétrolier début mars, la guerre en Ukraine n’a même pas été évoquée…
Face à une inflation galopante, la Fed a décidé de relever son principal taux directeur de 0,25% pour le porter dans la fourchette 0,25%-0,50%, amorçant un cycle de resserrement monétaire qui pourrait s’accélérer. Désormais, ce sont 6 hausses de taux qui sont attendues par les marchés en 2022 pour tenter d’endiguer une inflation au plus haut depuis 40 ans. Au sujet de la réduction du bilan de l’Institution, Jerome Powell indique qu’elle pourrait survenir dès le deuxième trimestre 2022, selon des modalités qui seront précisées prochainement. De son côté, la BCE de Christine Lagarde a annoncé l’accélération de son « tapering » en réduisant les montants alloués aux programmes APP sur les prochains mois et en actant la fin du PEPP à la fin mars. La banquière centrale s’inquiète des conséquences du conflit ukrainien sur la croissance et l’inflation et annonce être prête à employer tous les moyens nécessaires pour garantir la stabilité des prix et préserver la stabilité financière.
L’OCDE a revu ses prévisions de croissance pour 2022 en baisse. Selon l’institution, le conflit en Ukraine devrait réduire la croissance mondiale de plus d’un point de pourcentage : elle table désormais sur une croissance de 2,9% dans la Zone Euro (contre 4,3%) et de 2,8% aux USA (contre 3,7%). La zone asiatique est quant à elle impactée par l’application stricte de la politique « zéro-covid » chinoise. Le nombre de cas liés au variant Omicron augmente de manière inquiétante, perturbant l’activité manufacturière et créant de nouvelles tensions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Les places financières européennes terminent le mois en légère baisse (Euro STOXX 50 dividendes réinvestis : -0,5%), avec d’importantes disparité de performances entre les secteurs. Les secteurs privilégiés par les investisseurs ont été les ressources naturelles (+8,5%), porté par l’envolée du cours des matières premières, la santé (+6,2%) et le secteur des services financiers (+5,6%). Le secteur de la distribution affiche la moins bonne performance sur le mois (-15,4%), suivi par le secteur automobile (-7,9%) dont les chiffres de production sont très en deçà des attentes et par le secteur du tourisme et loisirs (-7,4%).
Dans cet environnement très volatil, les sociétés exposées à la Russie ont dû se plier aux sanctions économiques édictées par les gouvernements occidentaux. Total, Renault, Shell, Publicis font partie de ces nombreuses multinationales qui ont décidé de fermer leurs activités russes ou de stopper leurs investissements. Celles qui souhaitent y rester ou qui repoussent leur décision font face à un lourd risque réputationnel, et sont accusées de financer la guerre en Ukraine. Nous serons très vigilants aux révisions en baisse des perspectives annuelles qui risquent de survenir lors des premières publications trimestrielles. Le contexte très inflationniste pourrait en effet conduire des sociétés qui ont un faible pricing power à avertir sur leurs marges. Nous serons également particulièrement attentifs aux secteurs industriels où l’envolée du coût des matières premières et les désorganisations des chaines de production pourraient peser sur le compte de résultat.