Revue des marchés du mois d'Avril 2022
En avril, les marchés financiers mondiaux ont été pénalisés par les craintes des investisseurs sur plusieurs fronts : les conséquences du conflit en Ukraine, désormais alimenté par l’envoi de matériel militaire et d’aides financières depuis les Etats-Unis et l’Europe, l’inflation durablement élevée et la politique chinoise du « zéro covid » qui freine la croissance et désorganise les chaînes de production. Face à ces tensions inflationnistes, les banques centrales sont contraintes d’accélérer leur resserrement monétaire ce qui pèsera sur la croissance. Ces incertitudes ont conduit le FMI à abaisser au mois d’avril ses prévisions de croissance mondiale à 3,6 % pour 2022 (contre 4,4% en janvier).
La Fed poursuit son cycle de resserrement monétaire pour tenter de contrer des pressions inflationnistes toujours plus fortes, confirmées par la publication du taux d’inflation hors alimentation et énergie de mars qui continue d’accélérer à un rythme élevé de +6,5% en glissement annuel. Bien que les membres de l’institution américaine préparent les marchés financiers en donnant suffisamment d’indices sur les décisions à venir (une hausse des taux directeurs de 50 points de base est largement anticipée pour la réunion du 4 mai), l’ampleur et la vitesse du resserrement restent inconnues. En agissant vite, l’institution souhaite ainsi inverser la tendance haussière sur les prix, tout en empêchant un désencrage des anticipations d’inflations. Les investisseurs analyseront le ton plus ou moins « hawkish » (politique monétaire restrictive pour lutter contre l’inflation) du discours de Jerome Powell et sera attentif à d’éventuelles indications sur la réduction de la taille du bilan. Le gouverneur de la Fed nous rappelle que la Fed reste « data dependent » et évalue de près des indicateurs économiques qui se dégradent et la normalisation du marché du travail américain.
Du côté de la BCE, Christine Lagarde adopte une posture plus attentiste face à l’inflation en Zone Euro. La banquière centrale a renouvelé son inquiétude des conséquences de la guerre en Ukraine sur l’accélération de l’inflation et sur la croissance économique européenne. Christine Lagarde alerte notamment sur les prix de l’énergie qui devraient rester élevés pendant une période prolongée et sur les tensions sur les prix de l’alimentation, l’Ukraine et la Russie étant d’importants exportateurs de blé (30% de la production mondiale). La décision de sanctions additionnelles contre la Russie et le possible embargo sur le pétrole envisagé par la Commission Européenne soutiendra d’autant plus les prix de l’énergie. La croissance dans la Zone Euro sera logiquement pénalisée puisqu’elle est importatrice net de gaz et de pétrole et la hausse des prix de l’énergie se traduira inévitablement par une perte de pouvoir d’achat des consommateurs. La prudence reste donc de mise pour la BCE, avec une fin des achats d’actifs évoquée pour le T3 2022 et une première hausse de taux directeurs qui pourrait survenir dès cet été. Les investisseurs seront particulièrement attentifs à la prochaine réunion du 9 juin.
En Asie, la Banque of Japan fait cavalier seul en maintenant sa politique monétaire ultra accommodante entrainant une forte dépréciation du yen face aux principales autres grandes devises (-6,2% par rapport au dollar sur le mois). L’institution japonaise maintient ses taux directeurs à -0,1% et continue l’achat illimité de titres souverains. En Chine, le gouvernement a également décidé de maintenir une politique accommodante et des mesures de soutien à une économie qui ralentit. Le maintien de la stratégie « zéro-covid » et les confinements des populations à Shanghai et Pékin pèsent lourdement sur l’activité industrielle et sur la consommation des ménages. Enfin, la perturbation des chaines d’approvisionnement se poursuit au mois d’avril, renforçant les risques haussiers sur l’inflation alors que de nombreuses usines et ports fonctionnent au ralenti.
Les places financières européennes terminent le mois en baisse (Euro STOXX 50 dividendes réinvestis : -2,1%), avec d’importantes disparité de performances entre les secteurs. Les secteurs les plus défensifs ont été privilégiés par les investisseurs avec l’agroalimentaire (+5,3%) qui profite des bonnes publications trimestrielles des leaders du secteur, la consommation de base (+3%) et l’énergie (+2,3%) soutenue par des cours du pétrole au-delà des 100 dollars le baril. Le secteur de la technologie (-6,9%) affiche la moins bonne performance sur le mois, suivi par le secteur des services financiers (-6,5%) et par le secteur immobilier (-6,0%). La remontée des taux d’intérêts qui pèse notamment sur les valeurs technologiques à forts multiples de valorisation a provoqué d’importantes rotations sectorielles, parfois violentes, au profit de valeurs plus défensives (alimentaire, santé, services aux collectivités).
La saison des résultats trimestriels s’est révélée de très bonne facture et nettement au-delà des attentes du consensus de part et d’autre de l’Atlantique. La plupart des entreprises parviennent à passer des hausses de prix pour préserver leurs marges face à l’envolée du prix des intrants et à des tensions salariales grandissantes. Les constructeurs automobiles sont ainsi parvenus à préserver leurs marges et ont publié de bons résultats alors que les volumes s’effondrent en raison des difficultés d’approvisionnement (baisse de -12,3% du marché automobile européen au T1 dont -20,5% en mars !). La situation est cependant difficile pour certains équipementiers automobile, notamment Faurecia (titre absent de nos portefeuilles actions), dont l’acquisition d’Hella n’est pas encore refinancée, qui est contraint de supprimer son dividende pour l’exercice en cours et d’augmenter la taille de son programme de cession d’actifs. De plus en plus d’entreprises décident de quitter la Russie et sont contraintes de passer des dépréciations d’actifs, à l’image de Total qui a inscrit dans ses comptes une provision de 4,1 milliards de dollars relative au projet Arctic LNG 2 mais qui a quand même publié des résultats trimestriels records. Du côté des Etats-Unis, quelques valeurs technologiques très fortement valorisées ont été fortement chahutées : Netflix a ainsi perdu quasiment la moitié de sa valeur en un mois suite à une publication décevante marquée par la baisse du nombre d’abonnés.
Le marché des fusions-acquisitions demeure actif, à l’image de l’OPA sur Twitter d’Elon Musk, le fondateur de Tesla. Le réseau social a annoncé avoir accepté l’offre de 54,20 dollars par action Twitter ce qui représente une prime d’environ 54% sur le cours de bourse. Au total, le milliardaire américain débourse près de 44 milliards de dollars pour mettre la main sur sa cible, financé en partie par la vente d’environ 4,4 millions d’actions Tesla. Les fonds de private equity ne sont pas en reste et ont annoncé plusieurs acquisitions d’envergure au cours du mois.