L’inflation américaine en juillet : c’était la dernière grande statistique américaine avant le rendez-vous de Jackson Hole. Comme chaque année, les grands argentiers du monde ont rendez-vous fin août dans la station de montagne du Wyoming à l’invitation de la Réserve Fédérale de Kansas. Au-delà des thèmes retenus pour le symposium, il est souvent l’occasion d’annonces d’évolutions ou même de ruptures de politique monétaire. Sans remonter aux années 1970 à 1990, les analyses d’Alan Greenspan, puis le tournant spectaculaire de son successeur à la Fed Ben Bernanke, président de la Fed après la crise de 2007 sont toujours dans les esprits. Elles ont marqué le début de la fuite en avant monétaire sans limite par les injections de monnaie massives non conventionnelles et les taux directeurs pratiquement nuls. Les efforts de stabilisation de Janet Yellen et Mario Draghi (Fed et BCE) en 2017 ont aussi constitué un tournant. Cette année, c’est encore la Réserve Fédérale qui est attendue dans une trajectoire de normalisation de la politique monétaire déjà annoncée par son président Jerome Powell.
La lutte contre l’inflation est la priorité affichée à la Fed. Elle l’est dans les propos qui excluent des limites à la stratégie monétaire pour endiguer la dérive de la monnaie. Elle l’est aussi dans les actions, au travers de la remontée des taux directeurs, relevés de zéro à 0,25 % en mars à 2,25 % - 2,50 %. La dynamique de l’inflation n’a pas été cassée jusqu’en juin et le mois dernier peut donner une indication des premiers effets de la politique de la Réserve Fédérale. La donnée met en avant une stabilisation des prix sur un mois et ramène de 9,1 % à 8,5 % le rythme annuel. C’était attendu, les effets de base des prix de l’énergie et des matières premières freinant la donnée publiée. Le pic de l’inflation américaine a été passé en août. A regarder d’un peu plus près, on doit bien sûr nuancer. La Fed manifeste un vrai soulagement, estimant que son analyse d’une inflation transitoire se trouve confortée, mais, à lire les propos de Charles Evans, le président de la Fed de Chicago, elle semble avoir pour cela un peu changé de thermomètre. Les derniers mois, face à la flambée des prix de l’énergie et de l’alimentation, elle disait se focaliser sur l’inflation « cœur ». Aujourd’hui, elle encaisse favorablement le recul de l’énergie, mais ne peut que constater que l’inflation sous-jacente reste sur une dynamique qui va encore porter les prix au moins jusqu’en octobre. Les prix à la consommation en août qui seront connus avant la réunion du comité de politique monétaire des 20 et 21 septembre vont sans doute le conduire à poursuivre la hausse des taux directeurs. 0,75 % de plus sont anticipés par les investisseurs.
Ce que les marchés financiers et les banquiers centraux du monde attendront de Jerome Powell à Jackson Hole, c’est une perspective pour la poursuite de la hausse des taux et, peut-être plus encore, sur la gestion des masses monétaires au travers du bilan de la Réserve Fédérale. Le thème retenu pour le symposium « réévaluer les contraintes sur l'économie et la politique » peut lui permettre de présenter des options très précises. Les données d’inflation de juillet ne constituent en effet ni un objectif atteint, ni un éclaircissement des tendances de l’économie américaine. L’objectif ne peut se situer au-dessus de 8 % de glissement annuel et d’inflation « cœur » toujours en hausse. Pour ce qui concerne les tendances, une politique monétaire qui se dit dure doit faire face à l’excès persistant de liquidités et à une stratégie budgétaire toujours conciliante. L’excès de monnaie peut se mesurer aux réactions des marchés financiers en général et aux segments les plus spéculatifs des actifs ou pseudo-actifs. Face à l’inflexion attendue (mais pas constatée) des profits des entreprises, les grands indices font mieux que résister. Ils ont même retrouvé une tendance haussière. Les actifs les plus risqués peu ou pas rentables et dont le Nasdaq et le Bitcoin sont des marqueurs se sont nettement repris sur leurs plus bas (+10 % et +20 % en un mois). La Fed n’a pour le moment pas vraiment calmé l’inflation par les actifs. En même temps, la politique budgétaire continue à aller dans le sens inverse de la banque centrale. Cette semaine, les sénateurs américains ont ainsi validé le plan climatique de 430 milliards de dollars, dont 64 milliards pour la santé, négocié (à la baisse) par la Maison Blanche-. Même à la baisse, les investissements seront par nature inflationnistes. Intervenant sur fond de marché du travail à des niveaux records, ils ne pourront que pousser la fameuse inflation sous-jacente.
Ainsi, M. Powell ne pourra sans doute, au rendez-vous de Jackson Hole du 25 au 27 août, qu’annoncer qu’il frappera plus fort et plus vite encore qu’attendu, pour les taux directeurs qui seront placés nettement au-dessus de la croissance potentielle, mais aussi sur le bilan de la Fed dont la réduction est pour le moment bien prudente. Le thème du symposium des « contraintes sur l’économie et la politique » apparaît particulièrement pertinent dans un environnement où la Fed lutte plus pour la réduction de la boucle salaries-prix que pour réduire l’inflation des actifs et où le Budget public vise un peu à l’inverse la préservation du plein emploi à six mois des élections de mi-mandat.