L’actualité financière de la semaine, c’est le rallye de soulagement après le revirement de politique économique du Royaume Uni, puis de l’éviction de la première ministre. L’actualité économique de façon plus large, c’est la vigueur toujours marquée des résultats trimestriels des compagnies américaines et des sociétés européennes, sur fond d’inflation hors énergie qui se développe encore. L’actualité géopolitique, ce sont bien sûr toujours les avancées de la stratégie militaire américaine en Ukraine, et des raidissements consécutifs de la Russie. Au-delà de ces grands dossiers ou de celui des premiers blocages de pouvoir d’achat en France, l’actualité moins exposée, mais peut-être plus importante sur bien des plans nous vient de Chine.
Le XX° Congrès national du parti communiste chinois était évidemment très attendu. Le patron du pays est le secrétaire général du parti qui peut aussi avoir pris le titre de président de la République Populaire pour des raisons de communication. Secrétaire général depuis 10 ans et président depuis neuf, Xi Jinping est en quelque sorte soumis à réélection pour 5 nouvelles années dans le cadre du Congrès. Les communistes aiment les rappels historiques et le XX° Congrès est forcément une référence au parti soviétique frère et son XX° Congrès de 1956, celui de la déstalinisation. Rien de tel n’est attendu cette année à Pékin. En ouvrant le Congrès dimanche dernier, le secrétaire général ne l’a pas du tout placé sur le terrain d’un changement de priorités ou de cap. XI Jinping a évacué ces possibilités devant plus de 2.200 délégués représentant 11 millions de membres. Son discours a été une sorte de prolongement de la politique en place depuis trois ans. Le développement économique reste une priorité, mais la sécurité en est une autre. En tout état de cause, la prééminence du parti et la supériorité qu’apporterait le régime socialiste par rapport aux organisations libérales du bloc du G7, restent la base de la direction du pays. Il est vrai que le Congrès a pour fonction de nommer les dirigeants du pays plus que de tracer les grandes options qu’ils serviront. C’est le bureau politique du Comité central qui devra approuver les différentes mesures et c’est le Comité permanent du Comité central qui dirige le parti, donc le pays.
Les choix des hommes faits au cours du Congrès, qui seront ensuite validés formellement après le nouvel an chinois définissent évidemment le cadre. Il n’y aura pas de coup d’Etat et, au mieux, des transitions progressives générationnelles ou régionales. Xi Jinping a axé l’ouverture des travaux sur la stratégie de long terme. En matière économique la politique de « double circulation », qui passe par la progression de la demande interne en poursuivant l’ouverture vers l’extérieur y compris pour le financement. Les exportations qui contribuaient aux deux tiers du produit intérieur brut il y a 12 ans sont tombées à un tiers avant la crise de la Covid. La priorité donnée au développement économique conduit à tenter de soutenir un rebond démographique, mais reste surtout conditionnée au projet de « prospérité économique partagée », un partage de richesses qui peut bien sûr freiner la croissance. La chapitre sécurité est évidemment dominé par Taïwan. Pour le secrétaire général, la « réunification » est inéluctable et l’échéance de 2049 a souvent été citée. Rien de neuf donc, mais plus qu’une volonté, une certitude. En matière de sécurité, la stratégie d’indépendance technologique est le deuxième axe, pas totalement étranger à l’affaire de Taïwan.
Le contexte particulier du Congrès qui est avant tout une instance d’élections-cooptations dans l’esprit du centralisme démocratique, peut-il justifier que les grands sujets du moment soient occultés ? Affirmer des options fermes en matière de sécurité sans même évoquer la guerre d’Ukraine, les questions des chaînes d’approvisionnement, les différents avec les Etats-Unis, géopolitiques, mais aussi technologiques et de propriété intellectuelle, c’est reporter les sujets. Une fois les instances du parti désignées, de nombreuses commissions ou sessions vont devoir affirmer les options et lever le voile sur les actions. Dans le même ordre d’idées, le discours d’ouverture s’est affranchi de considérations sur l’état de l’économie et sur ses perspectives. Il est vrai que le panorama n’autorise pas les traditionnels propos d’autosatisfaction. On a pu ironiser sur le report de la statistique de croissance du troisième trimestre, qui devait être publiée le 18 octobre, en plein Congrès. Le vice-président de la commission nationale du développement et de la réforme (on ne sait pas forcément quel est son rang réel au sein de l’exécutif) a eu beau affirmer qu’une « reprise notable avait été enregistrée au troisième », le bilan est plutôt médiocre. La politique zéro Covid et ses confinement massifs sont venus s’ajouter à la normalisation de l’immobilier alors que la sécheresse de l’été a perturbé la production énergétique (sans parler de l’agricole). Les mesures sanitaires ont amplifié les ruptures d’approvisionnement pour le production manufacturière et freiné l’activité des services. L’éclatement des bulles spéculatives de l’immobilier a été engagé d’en haut et est géré par le pouvoir central, mais il a mis en panne la construction pour un secteur représentant 25 % du PIB. L’objectif de croissance de 5,6 % cette année doit être oublié. Le FMI est sans doute encore plutôt optimiste en annonçant 3,2 % et espérant 4,4 % l’année prochaine.
Le changement de modèle ne se fait pas sans casse. Malgré – et en partie à cause – des objectifs de prospérité commune, la consommation est en panne. Les mesures conjoncturelles de soutien aux entreprises ne font que ralentir à la marge la dégradation conjoncturelle. L’effort d’investissement en infrastructures est le soutien qui reste le plus puissant, mais les masses colossales mises en œuvre vont avoir du mal à dépasser 10 % du PIB, ce qui ne compense – de loin - pas la récession immobilière. Deux plans massifs de soutien à l’offre ont été engagés cet été : leur exécution est progressive dans les secteurs ou les provinces, ce qui semble annoncer des réformes de gouvernance pour plus d’efficacité au moment des sessions du Comité central de la fin de l’hiver. Surtout, la mutation du modèle va devoir s’intéresser davantage à la demande. Afficher une classe moyenne de 400 ou 500 millions de personnes impose des politiques que les pays occidentaux connaissent et qui vont mobiliser des finances publiques déjà bien endettées. Là sera la vraie révolution et elle annonce une poursuite de la démondialisation et de la réduction de la contribution de la Chine à la croissance mondiale.
Globalement dans le monde, la demande est à la baisse et les perspectives de croissance de la Banque Mondiale de moins de 2 % l’année prochaine, contre 2,7 % pour le FMI, sont des niveaux de récession dans certaines zones, puisque la population croît globalement de 1,1 % par an. La Chine n’est plus un facteur de désinflation et pas plus de croissance générale. Elle va, dans les années à venir, faire comme les autres grands pays : mobiliser encore et toujours les budgets publics ou parapublics. La dette représente près de trois fois le PIB, ce qui, comme c’est le cas avec des ratios différents en Europe et aux Etats Unis, sans parler du Japon, impose un financement par la banque centrale. L’inflation n’est pas la priorité en Chine, mais l’est-elle vraiment davantage ailleurs ?