L’événement économique de fin d’année est venu de Chine. De fin d’année occidentale, puisque l’entrée du calendrier chinois dans l’année du lapin d’eau est fixée du 22 janvier au 9 février. L’annonce, cette semaine, de la levée des restrictions sanitaires des voyages à partir du 8 janvier est le signe d’un revirement politique et d’une volonté de retrouver du dynamisme. Dans la pratique, ce sont les quarantaines sévères imposées aux voyageurs en provenance de l’étranger qui seront levées. Un simple test PCR permettra l’entrée en Chine. Les Chinois vont pouvoir à nouveau demander des visas pour l’étranger et, vers la moitié du mois, Hong Kong va (ré)ouvrir ses frontières avec le pays. Evidemment saluée en réaction haussière sur les marchés boursiers, en particulier dans le secteur du luxe, l’annonce de la réouverture à l’international ne peut pas vraiment être analysée comme une large libération de la deuxième économie du monde. Elle intervient sur un fond d’épidémie peu ou mal maîtrisée et dans une conjoncture économique incertaine. Des hypothèques sont levées, mais les scénarios restent à définir.
L’année 2022 a été marquée par le XXème Congrès du parti communiste chinois en octobre. Même si des traductions administratives doivent encore intervenir ce printemps, le pouvoir a été défini pour cinq ans. Le Comité Central du bureau politique – les 7 patrons du pays - est désormais composé à 100 % de proches et de fidèles du secrétaire général Xi Jinping. La prise ou la confirmation de son pouvoir absolu a été illustrée par la sortie sous escorte (pour raisons médicales ?) du Congrès de Hu Jintao, ancien secrétaire général du PCC et prédécesseur de Xi Jinping à ce poste. La levée d’une partie des règlementations sanitaires ne relève pas des « réformes institutionnelles » annoncées au Congrès pour renforcer encore le rôle du parti sur le pays. En revanche, elle donne le ton d’un pouvoir absolu alors qu’elle marque dans une grande mesure une fin de la politique zéro Covid imposée à tous les chinois.
Si on regarde toujours avec une certaine méfiance les statistiques chinoises, qu’elles soient économiques ou sanitaires, la levée d’une partie des blocages semble arriver dans un contexte épidémique toujours sévère. Les nouvelles contaminations annoncées s’infléchiraient officiellement, mais les modifications de procédures de tests et de comptabilisation des cas ne permettent pas de déterminer une tendance. Comme les études des pays occidentaux l’ont montré, c’est le nombre de décès qui permet de juger vraiment le développement de l’épidémie, mais la communication fixe toujours la mesure à … zéro mort. Enfin, la Commission Nationale de Santé a stoppé la publication des contaminations. Des informations de presse indiquent cependant des cas en forte hausse à Pékin et, à Shanghai, les écoles ont dû être fermées cette semaine. Sans doute le reste des mégalopoles présente les mêmes dégradations. Certaines autorités locales doivent reconnaître l’ampleur de l’épidémie du moment : les contaminations quotidiennes seraient de 500.000 à Qingdao (province de Shandong à l’Est de Chine) qui compte 10 millions d’habitants ; Un million de cas par jour seraient recensés au Zhejiang (65 millions d’habitants) situé au sud de Shanghai. En l’absence de plan global de « vaccination » avec des produits ayant la crédibilité de ceux des pays occidentaux, en particulier pour la baisse de cas graves qui est à peine amorcé, on comprend la réticence qui est observée à l’annonce de la réouverture de la Chine à l’international. Le Japon, l’Inde et la Malaisie ont réitéré l’obligation de tests et mettent en place des restrictions applicables aux voyageurs en provenance de Chine. Ces exemples de pays proches vont être suivis.
Les annonces de Pékin cette semaine montrent un certain paradoxe. C’est au moment d’une nouvelle et forte vague épidémique que les frontières sont ré-ouvertes sans que des confinements ne soient abandonnés en interne. Le parti semble prendre plutôt tardivement les leçons de l’échec du zéro Covid, mais il le fait sans présenter de plan sanitaire. Sans doute, la conjoncture économique impose-t-elle cette réouverture. L’économie est affectée par une baisse de la demande extérieure et, aussi interne. La production industrielle a baissé le mois dernier. Les ventes au détail ont reculé de 6 % de novembre 2021 à novembre 2022, le crédit ne s’accélère pas et les ventes de logement reculent de 28 % sur un an. L’année 2022 va se clore sur une croissance de l’ordre de 2,7 %, ce qui est près de la moitié de ce qui était programmé en début d’année. L’économie chinoise n’a pas profité du cycle mondial et doit encore faire avec des pressions de démondialisation, en particulier avec les barrières aux exportations technologiques vers les Etats-Unis. En interne, le moteur était l’immobilier (plus du quart du produit intérieur brut) et la confiance des ménages. Le pouvoir est contraint aux levées des confinements pour que des relais soient trouvées aux investissements en infrastructures qui sont la réponse budgétaire nécessaire pour tenir l’économie.
Ainsi, la Chine ne se réveille-t-elle pas de nouveau ? Certes, la croissance va rebondir en 2023. Mais ce rebond a bien des chances d’être très progressif : une fourchette 4 % - 4,5 % apparaît une base plutôt sûre, avec des catalyseurs qui ne devraient pas, dans le meilleur des cas, se mettre en place au second semestre. Le moteur chinois – 18 % du PIB mondial et le tiers de la croissance de la planète dans les dernières décennies – ne va pas porter le cycle, mais la modération conjoncturelle ne semble pas devoir peser lourd sur les cours des matières premières, eu égard à la faible inflation des coûts de production.