La Chine est de retour. Elle se réveille après s’être imposée un sommeil prolongé face à l’épidémie de la Covid-19. Elle revient en force dans la géopolitique mondiale. Elle gère son économie en prolongeant sa stratégie d’orthodoxie, et affiche des objectifs prudents. Pourtant, le monde compte sur elle pour tirer à nouveau la croissance générale.
La Chine a géré l’épidémie de la Covid-19 qui était partie de chez elle d’une façon bien différente de la pratique des grands pays occidentaux. Vu de chez nous, l’impression est que la stratégie zéro Covid a été à la fois plus brutale pour l’économie et moins efficace que nos confinements et « vaccinations » quasi obligatoires. Les comptes ne sont pas simples à faire tant la communication du parti communiste chinois manque de transparence, sinon de crédibilité. Les choix du pouvoir ne peuvent pas vraiment être analysés en raison du blocage de données qui pourraient inciter à la critique. Sans doute tenue dans la moyenne de 0,2 % à 0,3 % des populations décédées, la Chine est en tout cas sortie des blocages avec la même brutalité qu’elle les avait imposés. Le 7 décembre, un peu sous la pression de manifestations plus ou moins orientées et devant le coût économique des fermetures, le parti annonçait la fin des mesures de contrôle, et donc des restrictions. Moins de trois semaines plus tard, c’était chose faite. Il est vain de rechercher un bilan sérieux de la situation sanitaire trois mois après. En revanche, la Chine qui a semblé pendant ces trois ans se refermer sur elle-même et ses problèmes internes, reprend l’initiative au lendemain du XXème Congrès du parti communiste qui a encore renforcé les pouvoirs du secrétaire général.
Clos le 22 octobre, ce Congrès avait recomposé les instances du parti, et singulièrement le comité permanent du secrétariat général qui est au sommet du pouvoir chinois. Une recomposition, basée sur la fidélité au Premier secrétaire Xi Jinping, qui se transmet depuis dans toutes les strates du pouvoir. La réunion de l’Assemblée Nationale Populaire qui s’est ouverte cette semaine est une étape formelle du renouvellement au pouvoir. Les 2.977 délégués sont convoqués pour approuver les lois et les orientations politiques définies à la tête du parti communiste et, aussi, pour reconduire le secrétaire général à la présidence de la République Populaire de Chine. Ils vont aussi approuver la nomination d’un nouveau Premier ministre en la personne de Li Qiang, le numéro deux effectif du comité permanent du parti depuis octobre, ainsi que d’une série de ministres et hauts fonctionnaires. La session est aussi l’occasion de discours s’adressant, au-delà des représentants présents pour applaudir, à l’ensemble des Chinois et au monde. Le Président et le Premier ministre sortant ont frappé par leur pugnacité face aux Etats-Unis. Au-delà même de « l’amitié sans limite » avec la Russie réitérée sans toutefois d’escalade concrète, M. Xi Jinping a donné une analyse plutôt rude de la problématique chinoise : « des pays occidentaux, menés par les États-Unis, ont mis en œuvre une politique d'endiguement, d'encerclement et de répression contre la Chine, ce qui a entraîné des défis sans précédent pour le développement de notre pays ». Le ministre des affaires étrangères a été précis sur les conséquences. Il a enfoncé le clou : « si les États-Unis continuent de s'engager sur la mauvaise voie et ne freinent pas, aucun garde-fou ne pourra empêcher le déraillement (…) il y aura inévitablement un conflit et une confrontation ».
Le retour du pays dans la compétition mondiale pour le leadership stratégique vise aussi, peut-être surtout, l’économie. Parmi les litiges, les limites au commerce avec les Etats-Unis et ses alliés sur fond de démondialisation, et du fameux Inflation Reduction Act de l’administration Biden qui n’est pas une arme protectionniste qui se limite à la concurrence européenne. Les contraintes infligées à la Chine concernent les exportations, mais aussi les importations, en particulier de composants nécessaires aux industries technologiques. Ce point particulier focalise les questions économiques sur le conflit larvé pour Taïwan qui n’a pas besoin de ça. Pour autant, la Chine de l’après Covid a affiché un plan économique qui est apparu mesuré et, de ce fait très crédible. Le pays ressort de l’épidémie avec des équilibres qui n’ont pas été dégradés à la hauteur de ce que les plans massifs des quoi qu’il en coûte ont créé aux Etats-Unis, en Europe ou au Japon. Le rebond conjoncturel va ainsi être le résultat des réouvertures et de la libération des agents économiques, mais pas ou peu des masses monétaires accumulées. Après une croissance limitée à 3 % en 2022, l’objectif 2023 annoncé devant le Parlement est un raisonnable 5 %. Pas de plan de relance avec un déficit budgétaire contenu à 3 % du produit intérieur brut, et donc pas de flambées de croissance et d’inflation au programme. La Chine ne renonce donc pas à sa stratégie de reconstitution des équilibres financiers établie avant l’épidémie et dont la marque a été l’éclatement provoqué de la bulle immobilière.
La « prospérité commune » (ce qui veut dire durable et mieux partagée) est le slogan économique. Il est crédible en raison d’une part de la prudence des objectifs, ensuite des moyens d’un pouvoir renouvelé jusqu’à la tête de la banque centrale, enfin de la dynamique propre des agents économiques libérés. Car, dans le cadre d’une certaine orthodoxie financière, le rebond est bien là. Les indicateurs avancés des directeurs d’achat ont retrouvé leurs records de 2013. Comme dans les pays de l’OCDE, c’est la consommation qui tire l’activité avec un rebond plus marqué des services. Le cycle va sans doute être plus vif que ce qui a été annoncé au sommet. Certes, le choix de préserver les équilibres malgré un budget de la Défense en hausse de 7,2 % annonce une politique d’investissements publics sans nouveaux levier, mais, au-delà des effets de libération, la Chine est un gagnant de second rang (derrière les Etats-Unis) de la guerre d’Ukraine. Ses ressources énergétiques sont sécurisées avec une facture au rabais par rapport à celle des Européens ou du Japon. Le score de la croissance 2023 sera sans doute plus proche de 6 % que des 5 % de l’objectif officiel. La Chine va ainsi redevenir un contributeur au cycle mondial. Entre 4 % et 4,5 %% de croissance pour le pays émergents grâce à son score peuvent porter au-delà de 3 % a croissance mondiale malgré les hausses de taux directeurs annoncés en Europe et aux Etats-Unis. Mais la bonne tendance va aussi contribuer à un maintien de prix élevés pour les matières premières et pour les approvisionnements. La conjoncture chinoise de croissance sans inflation interne va contraster avec une inflation dans les pays développés qui ne va pas vraiment diminuer, mais dont la conjoncture est toujours soutenue par les liquidités et plans budgétaires … justement inflationnistes.