Les banques centrales américaine et européenne ont été au rendez-vous de l’absence de surprise la semaine dernière. Les relèvements de 0,25% des taux directeurs de la Réserve Fédérale et de la Banque Centrale Européenne étaient très largement attendus.
Et après ? Le métier de banquier central est à la fois de mentir et de préparer les esprits. Ce n’est donc pas facile d’interpréter les propos des grands argentiers lors des conférences de presse qui accompagnent les décisions monétaires. On ne peut même pas dire que le contraire de ce qui est dit soit une base certaine pour se projeter.
Est-ce la der des der des relèvements de taux directeurs de la séquence 2022-2023 ? C’est ce que l’ancien patron de la Fed Ben Bernanke (2006-2014) affirme. Si ce n’est la dernière hausse des taux, en tout cas ce serait une des dernières : c’est le pari des marchés financiers.
Les investisseurs n’ont pas souvent raison de s’opposer aux banques centrales (Fight the Fed) : ils ignorent aujourd’hui les avertissements de fermeté lancés des deux côtés de l’Atlantique : « je dirai qu’il est possible que nous relevions à nouveau les taux » (Jerome Powell à la Fed) ; « nous sommes déterminés à briser le dos de l’inflation » (Christine Lagarde à la BC).
L’optimisme des investisseurs se base, il est vrai, sur une amélioration des perspectives. Le Fonds Monétaire International a relevé (à la marge) son estimation de la croissance mondiale 2023 de 2,8% à 3%. Un niveau estimé à nouveau pour l’année prochaine. C’est aux États-Unis (pour 0,2 %) et en Europe (pour 0,1 %) que l’ajustement est le plus analysé : les scénarios de décrochage conjoncturel sont en tout cas écartés.
Tranquilles sur la macroéconomie – malgré une inflation qui se réduit essentiellement pour l’alimentaire et l'énergie - les investisseurs sur les actions font face avec une certaine sérénité à la réalité de l’économie : les résultats des entreprises.
Aux États-Unis comme en Europe, les données publiées au titre du 1er semestre sont globalement bonnes. Les détails sont évidemment plus discutés d’un groupe à l’autre.
La conjoncture est finalement porteuse : l’inflation des coûts de production a été répercutée et au-delà : les hausses de tarifs ont permis des améliorations de marge que les semestriels montrent aujourd’hui.
Il en est pour les entreprises prises dans leur globalité ce qui en est pour les États : les recettes progressent avec l’inflation plus vite que les coûts. L’inflation de premier tour offre un certain effet d’aubaine.
De fait, l’investissement est soutenu par les déficits publics et les plans d’investissements qui vont en sens inverse de la politique de taux. Le mix de politique économique (budget - monnaie) n’est pas vraiment défavorable et il l’est au pire dans des proportions limitées. D’un autre côté, malgré l’inflation et le retard de rattrapage des salaires, la consommation tient.
En Amérique du Nord comme en Europe, les marchés de l’emploi sont porteurs et soutiennent cette consommation. Après la forte progression de la consommation aux États-Unis au 1er trimestre, l’inflexion a été contenue alors qu’en Europe, l’Allemagne et la France restent dans des limites d’une érosion mesurée.
Au final, les résultats semestriels sont en moyenne plutôt supérieurs aux attentes en Europe comme aux États-Unis. Les entreprises confirment ou majorent leurs objectifs pour l’ensemble de l’année. Les analystes financiers suivent avec des relèvements moyens de 1 % à 3 % pour les résultats 2023.
Ainsi, les scénarios ne voient pas de grands risques pour la croissance, pas non plus sur les taux d’intérêt et même sur une inflation qui ne se réduit pourtant guère dans sa composante « cœur » (hors alimentation et énergie).
Pour autant, les hausses depuis le début de l’année débouchent sur pas mal d’anticipations et même pas mal d’excès d’anticipation. Les vedettes sont boudées quand elles ne font que confirmer et, au pire quand elles déçoivent à la marge, LVMH, Danone, Dassault Systèmes, Cap Gemini, Sanofi ou Essilor ont reculé après la publication de leurs semestriels. En sens inverse, les cycliques comme STMicroelectronics, Saint Gobain, Michelin, Stellantis ou Air Liquide et même Carrefour ont été saluées.
Boeing, 3M et Intel ont porté la tendance à Wall Street quand les valeurs de la Tech - ce qu’on appelle les valeurs de croissance – vont un peu dans tous les sens.
Sur les anticipations de stabilisation des taux directeurs, les valorisations des actifs trouvent une certaine base. Les actifs à levier de taux comme l’immobilier commercial et, aux États-Unis et dans les pays du Nord de l’Europe l’immobilier résidentiel, sont logiquement affectés et vont continuer à l’être. Il y a des actifs sans forte bulle comme l’immobilier résidentiel français et les actions cotées en Bourse. C’est un peu plus compliqué à apprécier pour les obligations, les devises et l’investissement non coté.
Au bilan, si l’immobilier a encaissé la hausse du loyer de l’argent, ce n’est pas vraiment le cas des autres actifs.
Les actions américaines capitalisent 19 fois et 16 fois les bénéfices attendus cette année et en 2024. Les Françaises 14 et 13 fois. Avec des rendements du dividende respectivement de 2% et 3%. Ce n’est pas bon marché mais n’a rien d’excessif. Cela conduit toutefois à une vraie exigence sur les résultats trimestre après trimestre. Si la croissance finit par glisser comme les indicateurs avancés le laissent envisager, les reports actuels sur des secteurs qui permettent de réduire un peu la concentration des indices sur un nombre (très) réduit d’actions ne tiendront pas.
À la lecture des communiqués des entreprises qui publient leurs semestriels, on est encore loin d’en être là.