Le retour du CAC 40 dans la zone de 7.000 points ramène la valeur des actions françaises des années et même des décennies en arrière. Le panier des actions françaises a évidemment bien évolué en plus de 20 ans. Mais la fin de l’été et le début de l’automne 2023 doit enregistrer un retour sur des valorisations qui ne sont pas celles d’un « nouveau monde », mais, toujours, celui de la macroéconomie, de la microéconomie, de la gestion de la monnaie en particulier par les taux d’intérêt, et des politiques publiques des budgets et de la géostratégie.
Source: Investing.com
Les indices boursiers prenant en compte les dividendes (réinvestis le jour de leur versement) sont des thermomètres efficaces pour juger de la gestion d’un portefeuille. Ils le sont évidemment moins pour mettre la valeur en perspective, y compris avec les obligations ou l’immobilier.
Si un indice comme le DAX allemand est calculé dividendes réinvestis (retour global ou GR dans le jargon), ce n’est pas le cas pour le plus ancien et le plus médiatique des indices, le Dow Jones des valeurs industrielles et pas plus pour le S&P 500 qui est aujourd’hui la référence. Notre CAC 40 est aussi un indice « brut ». Bien sûr des indices GR sont calculés pour prendre en compte la rémunération du dividende. Bien sûr, les indices bruts prennent en compte un rendement puisque les rachats d’actions qui sont en quelque sorte des dividendes fiscalement favorisés jouent. Mais la valeur est là.
Le CAC 40 a approché les 7.000 points à deux reprises : début septembre 2000 et début juillet 2007 ; il les a franchis à l’été 2021, puis, à nouveau en février cette année. Sur 23 ans, le retour à la même valeur – pour un indice qui était Technos- Banques et qui est aujourd’hui luxe- pétrole- n’est évidemment pas très brillant.
D’autant plus que le sentiment donné par ce retour au passé est que ce niveau de 7.00 points devenu psychologique a été établi dans des phases de grand optimisme et même de bulles et qui ont ensuite été douchés : éclatement de la bulle des TMT en 2000, crise financière de 2007, épidémie de Covid et blocages en 2020.
On a cru une page franchement tournée cette année et le rappel de ces derniers jours a de quoi inquiéter. C’est un peu la fin du concept « du nouveau monde ».
La conjoncture de ce début d’automne bouscule des certitudes sur lesquelles les scénarios étaient établis. Il y a cependant une certitude affirmée : les taux d’intérêt vont rester hauts, sans doute très hauts pendant très longtemps.
Les espoirs de retournement rapide de la politique monétaire américaine ont été douchés par la réunion du comité de politique monétaire de ce mois. Sans doute, il y avait des excès d’optimisme sur ce plan les derniers trimestres, les investisseurs pariant sur des baises répétées des taux directeurs de la Réserve Fédérale en 2024 après la fin des hausses cet été. Sans doute aussi, des excès de pessimisme jouent aujourd’hui comme un balancier.
Les marchés semblaient avoir ignoré la perspective des déséquilibres des marchés du pétrole et la baisse très lente de l’inflation « cœur » (hors alimentaire et énergie). La pression sur les cours du pétrole est en place et a peu de raisons de s’inverser. Le baril se négocie 20 % au- dessus des cours du printemps et reste à la hausse. En revanche, une certaine désinflation est en marche. Viser un peu moins de 4 % de rythme d’inflation « cœur » américaine (et un peu moins de 5% en zone euro) n’est pas irréaliste. Mais on se situerait encore au double des objectifs long terme
Au vu des données d’inflation, des revirements de politiques monétaires n’ont pas de raison d’intervenir rapidement… sauf si le cycle tourne.
La décélération de la croissance est lente, mais réelle. Les indicateurs avancés des i-directeurs d’achat dans les pays développés montrent une économie qui stagne. Alors que les Etats-Unis et le Japon sont en zone neutre, la contraction s’est confirmée en septembre pour l’Europe.
Les situations sont différentes mais, dans les deux cas, c’est le marché du travail et ses conséquences sur les salaires qui freine le recul d’activité et devrait éviter des récessions. Le consommateur américain tient bon, celui en Europe aussi pour le moment. Face à un durcissement réel des conditions des crédits, cette quasi-stagnation des PIB s’installe au moins jusqu’à l’été.
La première incertitude est là : le scénario est flou. Si un rebond apparaît peu probable, une nette dégradation a une probabilité qui n’est pas nulle, en particulier en Europe. Pour le moment, les chocs monétaires de hausse des taux ont été absorbés par les agents économiques, mais des décrochages plus ou moins sévères sont à attendre. Partant sur des estimations de croissance 2024 faibles (nettement moins de 1 % aux Etats-Unis, à peine plus de 0,2 % en zone euro), les risques baissiers ne semblent pas forcément encore dans les anticipations et dans les cours des actions.
La conséquence la plus notable du changement de sentiment après la réunion du comité de la Fed, c’est cependant sur les marchés de taux qu’on la ressent. Les rendements obligataires des bons du Trésor américain ou des Etats de la zone euro sont dans des niveaux records depuis 10 ans et plus. Revenus à une période où l’indice CAC 40 variait entre 3.000 et 4.500 points.
Les politiques des banques centrales se transmettent – enfin diront certains. La foi dans la réalisation des objectifs de retour autour de 2 % de l’inflation dans les deux ans a nettement faibli et justifie les demandes de rendements de la part des investisseurs. D’une part en raison des délais envisagés, d’autre part en raison de l’avancée des théories estimant qu’un taux moyen d’inflation de 3 % ou plus ne serait pas synonyme de déséquilibres. Si la conjoncture devait décrocher, nécessité (de soutenir l’activité) ferait loi au détriment de la doctrine monétariste.
Une conséquence est une hiérarchie des taux en fonction de la durée qui a commencé à se normaliser : l’écart entre les taux du court terme et ceux du long terme se réduit : pour le T Bond à 2 ans 5,33 %, pour le 20 ans 5 % et pour le Bund 22 points de base de différence. Cet « aplatissement de la courbe » indique que les investisseurs, s’ils ont révisé à la hausse les perspectives d’inflation, ont réduit la probabilité de franche récession.
Bien sûr, les chocs de politiques monétaires se transmettent dans l’économie réelle et les marchés financiers et leurs anticipations n’en sont que le reflet.
Les marchés du crédit plus tendus commencent seulement à le répercuter : Plus que les hausses de taux d’intérêt, les baisses de la liquidité apportées par les banques centrales se font sentir en restreignant les excès de cash. Les bilans des grandes banques centrales des pays développés pèsent aujourd’hui 42 % des PIB cumulés pour 55 % au plus haut du début 2022.
Malgré les soutiens des déficits publics qui ne vont pas se tarir, la modération du cycle joue sur les chiffres d’affaires et les marges sont à la baisse aux Etats-Unis comme en Europe. C’est avec ce prisme de rentabilités en baisse qu’il faut regarder les Bourses. Les multiples d’évaluation avaient anticipé une partie des effets des hausses des taux longs. Ce qu’il reste à prendre en compte se situe dans la correction depuis la mi-septembre, même si le surplus de rendement des actions par rapport aux obligations qu'est dans des niveaux historiquement bas peut justifier d’aller plus loin dans la baisse.
Les fameux 7.000 du CAC 40 et les niveaux comparables des autres grandes Bourses sont un point d’équilibre et c’est la conjoncture des chiffres d’affaires mais aussi des profits qui va donner la direction suivante. Le consommateur et l’investissement public vont encore faire la tendance. Des deux côtés, ce sont les Budgets des Etats qui vont rester à la manœuvre de soutien … Et pèseront sur les marchés obligataires.
Les banques centrales ont déjà réduit leurs bilans (en %du PIB).
Source : Oddo BHF Asset Management